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Représentation en France
Article d’actualité25 juillet 2022Représentation en France9 min de lecture

Non, Bruxelles ne dicte pas sa politique économique à la France !

La Commission européenne n’impose rien, elle veille à ce que les États membres de l’UE respectent les règles qu’ils se sont eux-mêmes fixées. Ni plus, ni moins. 

La politique économique de la France est décidée en France. Toutefois, la France étant membre de l’Union européenne, sa politique économique a des répercussions sur les autres pays de l’UE, et inversement : les décisions économiques prises à Paris ou à Berlin ont des conséquences sur la situation économique à Rome ou à Madrid.

C’est pourquoi les politiques économiques de tous les États membres sont discutées et coordonnées au sein de l’Union européenne (et non imposées par elle !). Grâce au marché unique et au partage d’une même monnaie, les Européens bénéficient de nombreux avantages : la libre circulation et l’accès au plus grand espace économique sans barrière au monde, la capacité de négocier à armes égales avec les plus grands partenaires commerciaux, la stabilité, une inflation modérée, des taux d’intérêt maitrisés, la suppression du change, et la possibilité de réagir ensemble aux chocs économiques majeurs.

Pour bénéficier pleinement de ces avantages, les États membres se sont dotés de règles communes permettant de faire converger leurs économies : limitation des déséquilibres macro-économiques, dont celui du déficit et de la dette. Cependant, chaque État est libre de décider du niveau et de la répartition de ses dépenses publiques (éducation, santé, retraite, défense, etc.). Par ailleurs, les règles européennes en matière budgétaire peuvent être suspendues temporairement dans des circonstances exceptionnelles comme lors des crises successives (Covid, Ukraine).  

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Pourquoi faut-il coordonner les politiques économiques entre les pays de l’Union européenne ?

Parce que nous sommes membres d’un marché unique et que nous partageons la même monnaie. Si un État membre s’affranchit des règles communes et mène une politique d’endettement public excessif, cela peut avoir des effets néfastes pour les autres pays utilisant la même monnaie. 

Par exemple, en augmentant sa dette de manière excessive, un État pourrait se trouver en défaut de paiement. Ne pouvant plus emprunter sur les marchés financiers pour financer ses dépenses publiques, ou à des taux rédhibitoires (comme c’est arrivé à la Grèce en 2010), il ferait peser un risque sur la stabilité financière et bancaire de l’ensemble de la zone euro. La hausse des taux d’intérêt, en se propageant aux pays de la zone euro ayant les finances publiques les moins solides, pourrait entraîner un défaut de paiement généralisé, une panique bancaire, etc. 

Le respect des règles vise à assurer la sécurité de tous

Nos économies sont fortement imbriquées : plus de 60% des échanges commerciaux de l’Union européenne se font entre les 27 États membres. En 2021, l’Union européenne représentait 53,6% des exportations françaises de biens (selon Eurostat), et les trois principaux clients de la France étaient l’Allemagne, l’Italie et la Belgique. Dans un tel contexte d’interdépendance, une crise dans un État membre peut se propager dans les autres pays de l’Union, comme l’a montré la crise financière et économique de 2008. 

Les pays de l’UE coordonnent donc leurs politiques économiques pour mieux détecter, prévenir et corriger les évolutions économiques problématiques (accumulation des dettes publique et privée, bulles financières ou immobilières, un déficit trop important de la balance commerciale/courante, etc.) pouvant freiner la croissance et mettre en danger non seulement l’économie d’un pays, mais aussi celle de ses voisins. 

La coordination des politiques économiques: comment ça marche, qui décide quoi ?

Tous les ans en février, la Commission européenne établit une sorte de bilan de santé économique de chaque État membre. Le dernier rapport sur la France, qui date du 23 mai 2022, est disponible ici. Sur cette base, la Commission adresse des recommandations de politique économique adaptées à chaque État membre. Celles-ci sont ensuite discutées et approuvées par les chefs d’État ou de gouvernement au mois de juin (lors d’un Sommet européen). Elles sont ensuite prises en compte par les pays, notamment lors de la préparation de leur budget pour l’année suivante, et de l’élaboration de leur plan de réformes (santé, marché du travail, etc.). 

Il s’agit bien de recommandations et non pas d’obligations. Certes, elles fixent des objectifs, mais les États membres sont libres de choisir les moyens d’y parvenir. Bruxelles ne « dicte » donc pas leur politique économique aux États membres ! 

Il existe deux cas de figure où des procédures peuvent être ouvertes à l’encontre de pays dont la situation économique risque de mettre en péril non seulement leur propre stabilité, mais aussi celle de leurs voisins : 

  • Déséquilibres macroéconomiques : la procédure dite de déséquilibre macroéconomique est déclenchée si la Commission estime qu’il existe des déséquilibres excessifs, susceptibles d’avoir des conséquences économiques néfastes pour l’État membre considéré ou pour ses voisins (bulles immobilières, pertes importantes de compétitivité, etc.). 

  • Situation budgétaire : la procédure de déficit public excessif est déclenchée lorsque le déficit public excède 3% du PIB (sauf si ce dépassement est limité, temporaire et exceptionnel), et l’endettement public, 60% du PIB (à moins qu’il ne diminue suffisamment). Ces critères correspondent à des engagements communs relevant du Pacte de stabilité et de croissance qui sont inscrits dans les traités européens. 

Il est important de préciser que le déficit de 3% n’est pas un objectif en soi, mais un seuil d’alerte à ne pas dépasser. L’objectif est celui du quasi-équilibre budgétaire (« règle d’or »), inscrit dans un traité intergouvernemental [1] signé par la France en 2012. 

Cependant, face à la situation exceptionnelle de pandémie, la Commission européenne a activé dès le mois de mars 2020 la “clause dérogatoire générale” du Pacte de stabilité et de croissance, afin de donner la possibilité aux États membres de déroger de manière temporaire aux règles du déficit et d’endettement et de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la pandémie, stimuler l’économie et soutenir la reprise (chômage partiel, soutien aux entreprises impactées par les confinements successifs, et investissements pour la relance économique). 

Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Commission européenne a statué pour le maintien de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité et de la croissance en 2023 et devrait faire des propositions sur l’avenir de la gouvernance économique européenne à l’automne 2022. 

Pour autant, si tous les pays sont tenus par des règles budgétaires et ne doivent pas dépasser certains seuils d’alerte (déficit n’excédant pas 3% du PIB et dette publique n’excédant pas 60% du PIB), ils sont totalement libres de décider de leur modèle économique et social. 

Certains États membres ont en effet des dépenses publiques élevées (supérieures à 59,2%% du PIB pour la France) et d’autres plus faibles (24,9% pour l’Irlande). (Source Eurostat : extraction du 12 mai 2021) La moyenne des dépenses dans l’UE à 27 en 2020 était de 51,6% (Voir fiche Décodeurs: « Bruxelles » est obsédée par le chiffre de 3% de déficit public ! Vraiment ?). Les pays sont également totalement libres de répartir ces dépenses comme ils le souhaitent (éducation, santé, retraite, défense, etc.). 

Les règles fixées au niveau européen sont établies pour s’assurer que ces dépenses sont finançables (sans générer de déficits excessifs et aggraver la dette du pays) et qu’elles n’obèrent pas la compétitivité du pays, afin d’éviter des déséquilibres qui, à terme, sont dangereux pour le pays lui-même, pour la zone euro et pour l’UE dans son ensemble. 

Les deux procédures pour déséquilibre macroéconomique et pour déficit public excessif reposent sur un système de surveillance accrue par les institutions européennes (Commission et Conseil des ministres). L’État membre concerné doit élaborer des mesures correctives selon un certain calendrier. Faute de quoi, il s’expose, dans certains cas, à des sanctions financières (cas par exemple de la Hongrie en 2012). 

Et la France dans tout cela ?

Depuis mai 2018, la France n’était plus considérée en situation de déficit public excessif, son déficit public ayant été inférieur à 3% en 2017 et 2018, ni en situation de déséquilibre macro-économique excessif, grâce à une légère amélioration de la compétitivité de son économie. 

En 2020, les effets de la pandémie se font sentir et en 2021, le déficit public de l’UE s’est creusé. Ainsi, dix États membres dépassaient le seuil des 3% de PIB de déficit public au troisième trimestre 2021, dont la France (-6,9%). Cependant, en vertu de la clause dérogatoire, aucune procédure pour déficit excessif n’a été lancée.  

Dans le contexte de crise sanitaire, les recommandations du Conseil adressées à la France en mai 2020 se sont concentrées sur la lutte contre la pandémie et la sortie de crise : il s’agit de renforcer la résilience du système de santé, de faire face aux conséquences économiques de la crise en soutenant les entreprises les plus impactées, en investissant dans les transitions verte et numérique, d’atténuer les conséquences de la crise sur le plan social et de l’emploi, tout en veillant à la soutenabilité de l’endettement public à moyen terme.  

L’ensemble de ces recommandations ont été discutées avec le gouvernement français qui les a acceptées et a décidé des moyens pour les mettre en œuvre, notamment grâce au vaste plan de relance européen NextGenerationEU

Plus d’informations

En savoir plus sur le Semestre européen

Les recommandations du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2022 

[1] Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012.

[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32018H0910(09)&from=EN

Détails

Date de publication
25 juillet 2022
Auteur
Représentation en France