
Merci Madame la Présidente, chère Roberta,
Monsieur le Président du Conseil européen, cher António,
Mesdames et Messieurs les Députés,
C'est pour moi un plaisir de vous rejoindre pour ce débat en séance plénière en présence, pour la première fois, du Président Costa. Et permettez-moi de commencer par vous remercier, cher António, pour l'excellente coopération entre nous pendant les premières semaines de notre mandat commun. L'année 2025 n'est vieille que de trois semaines, mais on perçoit déjà le changement qui s'annonce dans la politique mondiale. Nous sommes entrés dans une ère de concurrence géostratégique acharnée. Nous sommes aux prises avec des puissances de dimension continentale. Et ces puissances interagissent en fonction, essentiellement, de leurs intérêts. Cette dynamique nouvelle dominera de plus en plus les rapports entre les acteurs mondiaux. Les règles qui régissent ces interactions sont en mutation. Nous devons nous accommoder de cette nouvelle réalité, même si elle déplaît à certains en Europe. Nos valeurs restent inchangées. Mais pour que nous puissions les défendre, certaines choses doivent évoluer.
Avant toute chose, c'est chez nous que nous avons du pain sur la planche. Si nous souhaitons protéger nos intérêts et défendre nos valeurs, nous devons aussi être économiquement forts. L'Europe dispose, comme vous l'avez dit, António, de tous les instruments nécessaires pour jouer sa partition dans le concert des puissances. Nous avons un secteur privé avec une longue tradition d'innovation. Nous avons une main-d'œuvre de premier ordre, hautement qualifiée. Nous avons une infrastructure sociale unique pour protéger les personnes contre les grands risques de la vie. Et nous avons un immense marché unique de 450 millions d'habitants. Voilà notre refuge par gros temps, et notre meilleur atout dans les négociations difficiles. Mais notre Union et notre marché unique réclament de l'attention et de la diligence. Pour nous, Européens, la course planétaire commence en Europe. C'est précisément de cela que nous avons discuté au Conseil européen. Et tous les États membres partagent ce constat. Il est au cœur de la déclaration de Budapest sur la compétitivité que nous avons adoptée pendant la présidence hongroise. Et désormais, sous la présidence polonaise, ce consensus doit être mis en pratique. C'est pourquoi nous présenterons, la semaine prochaine, notre « boussole pour la compétitivité », qui traduit en mesures concrètes l'excellent rapport Draghi. Elle sera l'étoile polaire qui guidera cette nouvelle Commission et qui orientera nos travaux au cours des cinq prochaines années. Nous nous fixons trois objectifs : premièrement, combler le retard d'innovation avec nos concurrents ; deuxièmement, adopter une feuille de route commune pour la décarbonation et la compétitivité ; et troisièmement, renforcer notre résilience et notre sécurité économiques. Permettez-moi de vous donner quelques indications pour chacun de ces objectifs.
En ce qui concerne l'innovation, l'analyse du rapport Draghi est limpide. Il existe un cercle vicieux entre faiblesse de l'investissement et faiblesse de l'innovation. Et cette évolution a provoqué, par exemple, une adoption plus lente des technologies numériques chez nous, en Europe. Alors, comment rompre ce cercle vicieux ? L'investissement public doit absolument jouer un rôle. Pour qu'il puisse être efficace, il y a lieu d'améliorer la coordination entre le niveau européen et les États membres. Et notamment dans certains domaines stratégiques sur lesquels nous devons vraiment nous concentrer, comme l'intelligence artificielle, les technologies quantiques et les biotechnologies, pour ne citer que quelques exemples, mais c'est sur ces sujets que nous devons porter notre attention. Nous devons investir dans ces domaines, et les États membres doivent eux aussi apporter leur contribution, mais nous savons tous que le financement public seul ne sera jamais suffisant. Pour stimuler l'innovation à l'échelle et au rythme voulus, il faut également faire appel aux capitaux privés. La bonne nouvelle, c'est que les entreprises européennes accélèrent déjà leurs investissements dans l'innovation. L'année dernière, l'industrie européenne a accru ses investissements dans la recherche-développement de près de 10 %. Pour la première fois en dix ans, c'est plus qu'aux États-Unis et en Chine. Mais nous avons un gros retard à combler. Grâce à ces efforts, nous avons retrouvé la deuxième place au niveau mondial en matière d'investissement privé total dans la recherche-développement. Toutefois, je le redis, nous devons nous coordonner, nous concentrer et orienter nos efforts en particulier vers les domaines cruciaux. Pour y arriver efficacement, nous avons besoin d'un marché des capitaux favorable à nos entreprises et en particulier à nos start-ups. Et pour accompagner cette évolution, nous lancerons une union européenne de l'épargne et des investissements. Nous allons créer de nouveaux produits européens d'épargne et d'investissement, concevoir de nouvelles incitations pour le capital-risque et donner un élan nouveau à la fluidité des investissements dans toute l'Union. Nous devons mobiliser davantage de capitaux afin que l'innovation audacieuse « made in Europe » puisse prospérer ici même.
Ensuite, je voudrais m'arrêter sur le problème des prix de l'énergie. Les prix de l'énergie sont toujours structurellement plus élevés en Europe qu'aux États-Unis ou en Chine et varient fortement au sein même de l'Union européenne. Nous devons donc les faire baisser, tout en achevant de nous affranchir des combustibles fossiles russes. Les deux objectifs sont importants, et ils doivent aller de pair. Comment y arriver ? Nous ne devons pas seulement continuer à diversifier notre bouquet énergétique, comme nous l'avons fait ces deux dernières années : nous allons devoir investir dans les technologies énergétiques propres de dernière génération, car il s'agit d'une énergie produite en Europe, qui nous rend donc indépendants. Pensons ainsi à la fusion, aux systèmes géothermiques améliorés ou aux batteries à électrolytes solides, pour ne citer que quelques exemples. Nous devons aussi mobiliser davantage de capitaux privés en Europe afin de moderniser nos réseaux électriques et nos infrastructures de stockage. On en revient donc à la question du marché des capitaux profond et liquide. Nous devons supprimer toutes les barrières qui continuent à faire obstacle à notre union de l'énergie. Et nous devons mieux relier nos systèmes énergétiques propres et à faibles émissions de carbone. Tout cela, et évidemment bien d'autres éléments que ceux que j'ai cités aujourd'hui, fera partie du nouveau plan pour une énergie abordable que nous présenterons en février.
Mon troisième et dernier point porte sur la manière de renforcer notre résilience et notre sécurité économiques. Les puissances mondiales sont en concurrence pour l'accès aux matières premières et aux chaînes d'approvisionnement vitales. Ces dernières années, nous avons conclu plus de 35 nouveaux accords avec des partenaires du monde entier, précisément pour garantir notre accès aux matières premières et à l'hydrogène propre, par exemple, et pour diversifier certaines de nos chaînes d'approvisionnement pour les technologies propres. Cette tâche s'avérera plus cruciale encore au cours des prochaines années. Comme vous le savez, depuis le début de ce mandat, en moins de deux mois, nous avons déjà conclu trois accords de partenariat, avec le Mercosur, le Mexique et la Suisse. Et lundi dernier, nous avons relancé les négociations avec la Malaisie. Ces partenariats concernent certains de nos intérêts économiques les plus importants. Ils nous ouvrent de nouveaux marchés dynamiques. Ils protègent nos produits à forte typicité, avec les indications géographiques, et des secteurs-clés tels que l'agriculture. Et ils garantissent notre accès aux minerais critiques et aux énergies propres. Élargir notre réseau de partenariats était ainsi l'une des recommandations-phares du rapport Draghi. Et nous travaillons avec le Parlement et le Conseil pour faire avancer ces accords.
Cette ouverture nouvelle à des pays de tous les continents n'est pas seulement une nécessité économique — elle doit aussi être un message adressé au monde tout entier. Elle est la réponse de l'Europe à une concurrence mondiale croissante. Nous souhaitons une coopération accrue avec tous ceux qui sont ouverts à cette idée. Il va de soi que cela inclut nos partenaires les plus proches. Naturellement, je pense ici aux États-Unis d'Amérique. Nos économies sont les plus intégrées au monde. Des millions d'emplois sur les deux rives de l'Atlantique dépendent de nos échanges commerciaux et de nos investissements. Le volume des échanges entre nous s'élève à 1,5 trillion d'euros. Mais derrière ces chiffres se cachent tant d'autres choses. Des amitiés, des liens familiaux, une histoire et une culture communes. C'est là un élément que nous garderons toujours à l'esprit lorsque nous traiterons avec le nouveau gouvernement américain. Notre priorité absolue consistera à engager le dialogue sans attendre, à examiner quels sont nos intérêts communs et à nous préparer à la négociation. Et lorsque viendra le temps de négocier, nous nous montrerons pragmatiques pour trouver un terrain d'entente. Mais soyez-en sûrs, Mesdames et Messieurs les Députés, nous ne transigerons jamais sur nos principes européens.
Je vous remercie, vive l'Europe !
Détails
- Date de publication
- 22 janvier 2025
- Auteur
- Représentation en France