Madame la Présidente, chère Roberta,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il y a exactement trois ans, je me tenais ici devant le Parlement et présentais le pacte vert pour l'Europe. L'Europe a été le premier continent à ouvrir la voie vers la neutralité climatique. D'autres pays avaient des engagements, mais nous avions un plan. À l'époque, nous étions inquiets pour notre industrie en raison de la concurrence déloyale des pollueurs lourds. Aujourd'hui, seulement trois ans plus tard, la concurrence à laquelle nous sommes confrontés a radicalement changé. Le monde s'est engagé dans une course aux technologies propres. C'est ce que nous voulions, ce dont nous avons besoin. Parce que ce n'est que lorsque les économies les plus avancées rivaliseront pour construire un avenir à zéro émission nette que nous atteindrons nos objectifs communs, à savoir limiter le réchauffement climatique et protéger l'avenir de nos enfants.
Toutefois, ce nouvel environnement concurrentiel nous oblige aussi à repenser de notre côté la manière dont nous soutenons notre industrie dans sa transition vers une énergie verte et dont nous renforçons sa prééminence mondiale. C'est ce dont nous parlerons demain au Conseil européen. Et c'est ce sur quoi je veux mettre l'accent aujourd'hui. Commençons par analyser la situation difficile dans laquelle se trouvent nos entreprises à l'heure actuelle. L'approvisionnement mondial en gaz reste tendu en raison de la guerre d'agression menée par la Russie. La Russie a réduit de 80 % son approvisionnement en gaz par pipeline à destination de l'Union européenne au cours des huit derniers mois. Mais nous avons été en mesure de compenser. Nous avons diversifié notre approvisionnement, nous économisons de l'énergie. Nous avons stimulé le déploiement des énergies renouvelables. Nous écrémons les superprofits des entreprises productrices d'énergie afin d'utiliser ces sommes pour soutenir les foyers et les entreprises vulnérables. Nous avons décidé de grouper nos achats de gaz. Et nous avons proposé un mécanisme de correction du marché pour limiter la flambée des prix du gaz. Nos réserves sont remplies. En conséquence, nous serons à l'abri cet hiver. Il me semble que nous pouvons tous être très fiers de ce que nous avons accompli, en dépit du chantage exercé par la Russie. Et je voudrais saisir cette occasion pour remercier la présidence tchèque de ce qu'elle a réussi à accomplir au cours des six derniers mois. C'est formidable et je tiens à vous en remercier de tout cœur.
Mais tout ce que nous avons fait a un coût. L'approvisionnement en énergie russe bon marché faisait partie du modèle économique de bien des industries européennes. Ce modèle a volé en éclats à la suite de l'attaque menée par la Russie contre l'Ukraine. Et nous devons malheureusement nous rendre à l'évidence: ce modèle ne reviendra plus. Comme l'Agence internationale de l'énergie vient de nous le rappeler, faute de gaz russe, l'Europe va désormais importer ses combustibles fossiles à des prix structurellement plus élevés. Pour nos PME et notre industrie, la seule issue durable est donc de mettre le cap sur les énergies renouvelables. Les énergies renouvelables sont non seulement abordables, mais aussi produites localement. Et elles créent des emplois de qualité en Europe.
Cette transition ne se fera cependant pas du jour au lendemain, et la concurrence mondiale s'intensifie. Prenez le cas des États-Unis. Ils ont récemment approuvé un plan d'investissement important, baptisé «loi sur la réduction de l'inflation», qui fixe également des normes pour les secteurs des technologies propres. Disons-le clairement: avant tout, il est bon de soutenir la transition vers les énergies propres, à condition de le faire correctement, en toute transparence, dans un esprit de coopération et d'une manière qui garantit des conditions de concurrence équitables. Ce devrait être une course contre la montre, et non une course des uns contre les autres. Un nivellement par le haut, et non par le bas.
Or, la loi sur la réduction de l'inflation risque d'entraîner une concurrence déloyale. Trois aspects sont particulièrement préoccupants: premièrement, la logique «acheter américain», qui sous-tend en grande partie cette loi. Deuxièmement, les allégements fiscaux, qui pourraient donner lieu à des discriminations. Enfin, troisièmement, les subventions à la production, qui pourraient défavoriser les entreprises européennes. Nous devons résoudre ces problèmes. Nous devons apporter notre propre réponse, notre version européenne de la «loi sur la réduction de l'inflation». Et j'envisage quatre grands axes d'action. Premièrement, nous devons adapter nos propres règles pour faciliter les investissements publics nationaux dans la transition. Deuxièmement, nous devons réévaluer la nécessité d'accroître les investissements publics européens dans la transition. Troisièmement, nous devons travailler avec les États-Unis pour aborder certains des aspects les plus préoccupants de cette loi. Et, bien sûr, en quatrième lieu: nous devons accélérer encore notre transition vers une énergie verte.
Commençons par mon premier point: nous devons jeter les bases de la production industrielle de demain, notre propre base de technologies non polluantes pour l'industrie. Nous devons la renforcer. Nous devons veiller à ce que les aides à l'investissement et les crédits d'impôt parviennent plus facilement et plus rapidement aux secteurs concernés. C'est pourquoi nous présenterons en janvier un nouveau cadre pour accélérer la transition. Ce cadre simplifiera nos règles en matière d'aides d'État et accélérera leur application pour les années à venir. Il comblera également les lacunes existantes afin de cibler l'ensemble de la chaîne de valeur des secteurs verts stratégiques, y compris le déploiement à grande échelle et l'accès aux matières premières. Ce nouveau cadre permettra par exemple aux États membres de tenir compte des conditions mondiales – et pas uniquement des conditions européennes - lorsqu'ils octroient des aides pour un certain type de produits dans le domaine des technologies propres. Cela signifie que, pour certains investissements entièrement nouveaux, les États membres peuvent s'aligner sur les subventions de pays tiers. Cela incitera les entreprises à poursuivre leurs investissements en Europe et à ne pas investir aux États-Unis, mais à s'installer ici, à rester ici et à investir dans l'Union européenne.
Dans le même temps, nous devons protéger notre marché unique contre la fragmentation et les réactions non coordonnées. Autrement dit, notre unité en tant que marché unique, à 27. Et, nous le savons tous, les États membres n'ont pas la même capacité d'investissement à grande échelle dans des secteurs stratégiques - tout le monde ne dispose pas de grandes réserves financières. Voilà qui m'amène à mon deuxième point. Nous avons besoin d'une transition écologique équitable dans toute l'Europe. Pour promouvoir les technologies propres dans toute l'Europe, nous avons donc besoin d'un financement européen complémentaire. Et, sur ce point, REPowerEU est notre outil de choix. REPowerEU est l'instrument qui aide les PME et les industries à se tourner vers des énergies moins coûteuses et plus propres. Et, à cet égard, je tiens vraiment à vous féliciter, et je suis très heureuse que cet instrument ait été adopté ce matin, ou plutôt très tard hier soir. Il entrera en vigueur au début de l'année prochaine. C'est un grand pas en avant. Soyez-en remerciés. C'est un bel accomplissement, ici même, au Parlement. Nous pouvons nous féliciter de disposer à présent de REPowerEU. Par ailleurs, je pense que le passage accéléré aux énergies renouvelables nécessitera aussi que REPowerEU soit stimulé, afin que nous puissions apporter une réponse adéquate à la situation créée par la loi américaine sur la réduction de l'inflation. Voilà pour le court terme.
Toutefois, à moyen terme, je crois qu'il nous faut une solution plus structurelle. Parce que nous voulons que l'industrie européenne continue de jouer un rôle moteur dans la transition vers une énergie verte. C'est pourquoi j'ai introduit l'idée d'un fonds de souveraineté. Je pense que la prochaine révision à mi-parcours du CFP vers l'été, sera une bonne occasion de présenter notre proposition en des termes plus détaillés. L'idée sous-jacente est très simple: le continent européen regorge d'atouts. Notre marché unique est exceptionnel. Nous possédons le plus grand marché unique au monde, nous avons une main-d'œuvre hautement qualifiée, des universités de classe mondiale; nous avons un réseau très dense d'instituts de recherche renommés. Mais nous devons également mobiliser notre solide puissance industrielle européenne dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Pour ce faire, nous avons besoin d'une politique industrielle européenne commune, dotée d'un financement européen commun. J'entends par là que nous devons consolider les ressources disponibles pour la recherche, l'innovation et les projets stratégiques en amont au niveau de l'Union. Songez ne serait-ce qu'à l'hydrogène, aux semi-conducteurs, à l'informatique quantique, à l'intelligence artificielle et à la biotechnologie — c'est là que nous devons investir maintenant. Pour la première fois, nous apporterons aussi un financement européen aux projets importants d'intérêt européen commun retenus. Il s'agit là d'investissements stratégiques destinés à maintenir notre rôle de chef de file mondial dans le secteur des technologies propres.
J'en viens à mon troisième point: nous travaillons en étroite collaboration avec l'administration Biden sur les aspects les plus préoccupants de la loi sur la réduction de l'inflation. Et nous étudions la manière de renforcer conjointement notre base industrielle d'énergie propre. Mais nous devons faire en sorte, dans le cadre de ces discussions, que nos programmes d'incitation respectifs se renforcent mutuellement et qu'aucun ne soit appliqué au détriment de l'autre. Songez, par exemple, à la question des matières premières critiques nécessaires aux technologies propres. Aujourd'hui, la production et la transformation—nous en sommes tous conscients — de certaines des matières premières critiques dont le besoin est le plus pressant sont contrôlées par un seul pays, à savoir, la Chine. Nous partageons donc l'inquiétude des États-Unis quant à cette vulnérabilité stratégique, qui est effectivement la nôtre.
L'une des solutions possibles pour vaincre ce monopole indubitable de la Chine consisterait, par exemple à créer un club des matières premières avec les États-Unis et avec d'autres partenaires. Et nous sommes prêts à travailler d'arrache-pied sur tous ces fronts pour obtenir ce type de communauté de forces et consolider notre base industrielle.
Enfin, rappelons-le, toutes ces actions servent à construire une passerelle. Celle-là même qui permettra à notre industrie des technologies propres de se transformer, en passant des énergies fossiles coûteuses d'aujourd'hui aux énergies renouvelables, qui sont propres et abordables. Aussi, c'est maintenant que nous avons besoin de cet investissement parce que c'est maintenant que ces industries et nos PME ont besoin d'être soutenues, jusqu'à ce que nous ayons mis au point un environnement énergétique qui soit abordable, qui soit propre et qui soit sûr.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ne perdons jamais de vue la situation d'ensemble. Une guerre fait rage aux frontières de notre Union. La Russie intensifie ses attaques contre les civils et les infrastructures civiles. Et le courageux peuple ukrainien a besoin de tout notre soutien. L'heure n'est donc pas à la guerre commerciale avec notre partenaire et allié le plus proche. L'heure est venue pour nos démocraties d'unir encore plus leurs forces, d'agir pour l'Ukraine. Je suis très contente de voir que nous nous sommes maintenant mis d'accord sur le prochain cycle de notre enveloppe financière de 18 milliards d'euros, qui parviendra à l'Ukraine début janvier. La guerre d'agression menée par Poutine échouera principalement pour deux raisons. La première est bien entendu l'immense bravoure et l'immense courage du peuple ukrainien. Mais la deuxième raison, c'est l'unité remarquable de la communauté internationale. Restons donc forts, agissons pour l'Ukraine, soyons unis.
Slava Ukraini.
Joyeux Noël et longue vie à l'Europe.
Détails
- Date de publication
- 14 décembre 2022
- Auteur
- Représentation en France