L’Union européenne a fait énormément ces dernières années pour favoriser la transparence et la coopération entre administrations fiscales nationales et ainsi limiter l’évasion fiscale : échange d’informations sur les données financières des multinationales et sur les accords fiscaux nationaux octroyés aux entreprises, fin du secret bancaire, liste noire des paradis fiscaux… Sur la scène internationale, l’Union européenne a soutenu de grandes avancées pour faire appliquer un principe simple : les entreprises doivent payer leurs impôts là où elles génèrent des bénéfices. C’est essentiel, car des montants énormes sont perdus en raison de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal, et les citoyens européens réclament légitimement plus de justice fiscale.
L’évasion fiscale est difficilement tolérable pour les citoyens européens
Les scandales, tels que les Panama Papers, les Paradise Papers ou plus récemment les OpenLux, ont mis en lumière des pratiques que les citoyens ne peuvent plus tolérer. L’évasion fiscale est source d’une grande injustice pour les contribuables, puisqu’elle diminue les recettes des États membres et donc limite les investissements dans les infrastructures, la protection sociale ou les services publics.
Des progrès majeurs dans l’UE : l’amélioration de la transparence fiscale, la fin du secret bancaire et la lutte contre les paradis fiscaux
Les États membres de l’Union européenne ont donc adopté une série de mesures communes afin de lutter contre les abus et les principaux canaux d’évasion fiscale. Un objectif : parvenir à plus de transparence fiscale.
- Dès 2013, l’Union européenne a adopté une directive marquant la fin du secret bancaire dans l’intégralité des États membres. Une centaine de pays (dont la Suisse) se sont également engagés à échanger des informations sur les comptes bancaires de leurs ressortissants.
- En décembre 2017, les États membres de l’Union européenne ont adopté, la toute première « liste noire » des paradis fiscaux, complétée par une liste grise des « juridictions fiscales non-coopératives » qui, pour ne pas figurer sur la liste noire, doivent changer leurs pratiques fiscales. Cette liste est révisée deux fois par an. L’objectif est de veiller à ce que les partenaires internationaux de l’UE respectent les mêmes normes que les États membres. Les sanctions à l’encontre des pays « blacklistés » peuvent inclure, par exemple, le gel de fonds européens.
- Depuis 2018, une directive européenne exige la création de registres publics comprenant le nom des propriétaires réels des sociétés dans chaque État membre. C’est cette directive qui a permis au quotidien « Le Monde » et à seize autres médias internationaux de mener l’enquête OpenLux et de mettre en lumière des pratiques luxembourgeoises qui facilitent l’évasion fiscale d’un grand nombre de multinationales et d’individus.
- Depuis 2018 également, la Commission européenne émet des recommandations à certains États (dont l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg) pour réformer leurs systèmes fiscaux.
- Depuis le 1er janvier 2019, les États membres sont également tenus d’appliquer des mesures anti-abus juridiquement contraignantes, qui interdisent les principales formes d’évasion fiscale pratiquées par les grandes multinationales.
- Le 1er juin 2021, le Parlement européen et les États membres sont tombés d’accord pour adopter la Directive sur la transparence fiscale, imposant aux entreprises ayant un chiffre d’affaires global supérieur à 750 millions d’euros de rendre public un ensemble d’informations fiscales pays par pays.
- Dès 2023 entrera en vigueur la méthode de déclaration fiscale État par État sur les activités dans les pays figurant sur les listes noire et grise, ce qui devrait éliminer leurs avantages compétitifs fiscaux.
Des mesures qui commencent à porter leurs fruits
Toutes ces mesures permettent à chaque État de détecter précisément les anomalies, de tracer les transferts de bénéfices, de mener des enquêtes et, si nécessaire, de faire des redressements.
Les listes noire et grise ont déjà permis de changer la donne : des dizaines de pays ont supprimé leurs régimes fiscaux dommageables et se sont alignés sur les normes internationales en matière de transparence et de fiscalité équitable.
Des progrès sont encore nécessaires
Toutefois, un certain nombre de pays ne respectent toujours pas les règles et refusent d’engager un dialogue avec l’Union européenne ou de remédier à leurs manquements. La dernière révision de la liste noire, datant d’octobre 2021, cible 9 territoires et en place 15 autres, dont la Turquie, sur la liste grise.
Par ailleurs, la Commission européenne reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire pour obtenir une véritable justice fiscale : les bénéfices des grandes entreprises du numérique demeurent deux fois moins imposés que ceux des entreprises traditionnelles (9,5 % contre 23 % en moyenne) dans l’UE.
En juin 2021 ont été mises en place deux structures :
- L’Observatoire européen de la fiscalité. Laboratoire de recherche indépendant, hébergé à l’École d’Économie de Paris, l’Observatoire conduit des recherches innovantes sur la fiscalité, et a pour objectif de contribuer à l’émergence de nouvelles propositions concrètes pour répondre aux défis fiscaux et inégalitaires du XXIème siècle.
- Le Parquet européen, qui a commencé ses activités le 1er juin 2021. Ce premier parquet supranational est compétent pour enquêter sur des infractions telles que le blanchiment de capitaux, la corruption et la fraude transfrontière à la TVA et pour engager des poursuites en la matière. Rien qu’en 2019, les États membres ont signalé des fraudes portant sur 460 millions d’euros du budget de l’UE ! Ces activités frauduleuses ont une incidence directe sur le quotidien des citoyens, portant de lourds préjudices à l’économie. Il convient d’y mettre un terme, d’autant que la COVID-19 a bouleversé nos économies en profondeur et que nous avons besoin du moindre euro pour la relance et pour assurer la justice fiscale.
La Commission a aussi proposé une réforme des règles de la TVA qui permettrait de réduire de plus de 80% la fraude à la TVA sur les biens vendus entre États membres, estimée à 150 milliards d’euros par an.
Un accord pour une réforme de la fiscalité internationale est à portée de main
Cependant, l’évasion fiscale ne connaît pas de frontières et ne peut être résolue efficacement que par un effort concerté au niveau mondial. C’est pourquoi tous les États membres et l’UE participent activement aux discussions mondiales dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du G7 et du G20.
Les discussions portent sur la modernisation des règles fiscales internationales pour mieux allouer les droits à l’imposition sur les activités numériques, et sur la création d’un impôt minimum mondial sur les sociétés qui devrait permettre aux États européens de récolter entre 50 et 200 milliards d’euros en recettes fiscales supplémentaires [1].
Le 5 juin dernier, le G7 s’est d’ailleurs mis d’accord sur un taux de 15% pour cet impôt minimum. Ceci marque une immense avancée vers la mise en place d’un système fiscal international plus juste et la lutte contre l’optimisation agressive des géants du numérique. Le 10 juillet 2021, le G20 Finances réunit à Venise est tombé d’accord sur ce nouvel impôt mondial et a appelé les derniers pays récalcitrants à adopter la résolution de l’OCDE, alors que 132 des 139 membres de l’organisation ont déjà signé le texte. Cette avancée a été saluée par le Ministre français de l’économie et des finances, Bruno le Maire, qui a estimé qu’il « n’y a plus de retour en arrière possible ».
En attendant l’entrée en vigueur de cette nouvelle norme internationale, la Commission a proposé une taxe transitoire de 3 % du chiffre d’affaires sur les activités du numérique qui échappent à toute forme d’imposition dans l’UE. Si ce projet est actuellement suspendu, certains pays ont d’ores et déjà décidé de mettre en place leur taxe nationale. C’est le cas de la France qui, en juillet 2019, a voté sa propre taxe sur les services numériques.
Par ailleurs, pour financer le plan de relance européen, des ressources propres basées sur une redevance numérique sont envisagées et devraient être mises en place au plus tard le 1er janvier 2023. Le 15 mai 2020, le Parlement européen a d’ailleurs voté une résolution réclamant la mise en place d’une telle taxe.
Enfin, la Commission a lancé un débat pour que, sur certains dossiers fiscaux, le vote puisse se faire non plus à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée de sorte que les États membres puissent trouver plus rapidement des compromis. Une telle évolution serait également plus démocratique, car le Parlement européen, qui est élu directement par les citoyens européens, et qui a pour l’heure un rôle consultatif dans le domaine de la fiscalité, deviendrait ainsi co-législateur avec le Conseil de l’UE.
Plus d’informations…
- Nouvelles exigences contre l’évasion fiscale dans la législation de l’UE régissant en particulier les opérations de financement et d’investissement (communication de la Commission du 21 mars 2018)
- Liste commune des juridictions de pays tiers de l’UE à des fins fiscales
- La liste des juridictions fiscales non coopératives (liste noire des paradis fiscaux, mise à jour de mars 2019)
- Une juste part : une fiscalité européenne adaptée au XXIème siècle
- Plan d’action pour une fiscalité équitable et simplifiée à l’appui de la stratégie de relance (juillet 2020)
- Droit de l’UE :
[1] Selon le taux minimal d’imposition sur les sociétés choisi, l’Observatoire européen de la fiscalité estime la perte de revenus en Europe liée à l’évasion fiscale par les multinationales entre 50 et 200 milliards d’euros, (EUTAX, Juin 2021).
Détails
- Date de publication
- 12 juillet 2021 (Dernière mise à jour: 16 février 2022)
- Auteur
- Représentation en France