L’état de droit est inscrit parmi les valeurs communes à tous les États membres de l’UE, à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, et garantit que toutes les autorités publiques agissent dans les limites fixées par la loi, conformément aux valeurs de la démocratie et aux droits fondamentaux, et sous le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales. La notion d’état de droit recouvre donc le principe de légalité, de sécurité juridique, de protection juridictionnelle effective, de séparation des pouvoirs et d’égalité devant la loi. Alors que le respect de l’état de droit en Pologne et en Hongrie inquiète les institutions de l’UE, celles-ci disposent d’un arsenal d’instruments afin de garantir la protection de l’état de droit de la manière la plus efficace possible.

L’Union européenne dispose d’instruments de prévention pour anticiper l’apparition d’atteintes à l’état de droit
L’Union européenne s’est dotée d’un nouveau mécanisme européen de protection de l’état de droit, qui vise à promouvoir l’état de droit et à prévenir l’apparition de dérives en la matière au sein des États membres. Dans ce cadre, la Commission européenne rend un rapport annuel sur l’état de droit, qui examine les évolutions, tant positives que négatives, dans l’ensemble de l’UE et dans chaque État membre en ce qui concerne l’état de droit, sur la base de quatre piliers (les systèmes de justice nationaux, le cadre de lutte contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias, et les questions institutionnelles liées à l’équilibre des pouvoirs).
La Commission a ainsi publié le 20 juillet 2021 son rapport annuel sur l’état de droit, qui analyse la situation dans l’ensemble de l’UE et dans chacun des États membres. Ces rapports sont établis à la suite d’une large consultation de différents acteurs nationaux, publics et privés. Les nouveaux développements intervenus depuis le premier rapport établi en 2020 sont examinés, tout en tenant compte de l’impact de la pandémie de COVID-19.
Dans l’ensemble, la Commission constate des évolutions positives, mais des inquiétudes subsistent, notamment concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire et la situation des médias. Elle souligne aussi la résilience des systèmes nationaux pendant la pandémie, qui a d’ailleurs illustré l’importance de maintenir un système d’équilibre des pouvoirs respectant l’état de droit. Ce mécanisme permet ainsi de développer une culture de l’état de droit dans l’UE, puisque chaque rapport est discuté au Conseil entre tous les États membres, ainsi qu’au Parlement européen.
En parallèle, l’Union européenne dispose d’un tableau de bord de la justice dans l’UE, qui fournit annuellement des données comparables sur l’indépendance, la qualité et l’efficacité des systèmes de justice nationaux.
Le Semestre européen permet quant à lui de promouvoir l’état de droit en débouchant sur des recommandations par pays qui englobent des thématiques telles que la lutte contre la corruption et les systèmes de justice. L’UE apporte également un soutien technique et financier aux États membres pour la mise en œuvre de réformes structurelles qui ont un impact sur l’état de droit en leur sein.
L’Union européenne dispose d’instruments de réaction pour contrôler le respect de l’état de droit
Afin de garantir le respect de l’état de droit, l’UE dispose d’instruments agissant a posteriori en cas d’atteintes permettant d’y réagir de façon proportionnée et efficace. Le cadre pour l’état de droit, adopté par la Commission européenne en 2014, constitue un outil d’alerte rapide qui lui permet d’engager un dialogue avec un État membre en cas de menaces systémiques pesant sur l’état de droit. Le processus suit trois étapes, dont l’appréciation de la Commission, une recommandation de la Commission, ainsi qu’un suivi de cette recommandation par l’État membre concerné.
Si le cadre pour l’état de droit n’aboutit à aucune solution, l’article 7 du traité sur l’Union européenne prévoit en dernier recours un mécanisme de contrôle politique du respect des droits fondamentaux dans les États membres, permettant de sanctionner tout État membre responsable de « violation grave et persistante » des valeurs fondatrices de l’UE. Les sanctions peuvent conduire jusqu’à la suspension des droits de vote du pays en question au Conseil de l’UE, et donc de sa participation à une grande partie des décisions européennes.
Plus récemment, et notamment dans le contexte de lancement du plan de relance “Next Generation EU”, il est apparu nécessaire de protéger le budget de l’UE dans des situations où une bonne gestion financière du budget européen serait compromise par des violations de l’état de droit dans un Etat membre. La Commission européenne a proposé un mécanisme deconditionnalité budgétaire en rapport avec l’état de droit.
Le 16 février 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a rejeté les recours que la Hongrie et de la Pologne avaient formé de recours contre ce mécanisme de conditionnalité budgétaire. La Cour a rappelé que “le respect des valeurs communes constituait une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à un État membre” et que l’Union devait “être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs”
Les procédures d’infraction de l’UE permettent quant à elles de contrôler le respect de l’état de droit par les États membres en garantissant l’application correcte et uniforme du droit de l’Union européenne. C’est le cas du recours en manquement qui permet de faire constater par la Cour de justice de l’Union européenne qu’un État membre n’a pas respecté ses obligations découlant de son appartenance à l’UE. Bien qu’il ne soit pas exclusivement dédié au contrôle du respect des valeurs de l’UE, contrairement à la procédure de l’article 7, ce mécanisme permet de faire cesser toute atteinte au droit de l’Union, qui est susceptible d’altérer l’état de droit.
Et en pratique ? L’Union européenne se montre ferme face à la Pologne et la Hongrie
Face aux dérives liées à l’état de droit en Pologne et en Hongrie, l’Union européenne défend ses valeurs et fait preuve de fermeté. La Cour de justice de l’Union européenne à condamné en octobre 2021 la Pologne à verser une amende journalière d’un million d’euros. Cette amende court jusqu'à ce que Varsovie accepte de se conformer à un arrêt de la Cour, qui avait ordonné en juillet 2021, la cessation immédiate des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise et l’annulation des décisions prises par la Pologne concernant la levée de l'immunité des juges.
L’UE se mobilise ainsi pour défendre fermement ses valeurs liées à l’état de droit, et elle a maintenu cette dynamique au fil des années. En témoigne la situation en Hongrie qui a ravivé le débat sur l’état de droit dans cet État membre, après l’adoption le 15 juin 2021 à Budapest d’une législation interdisant la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs. La Commission européenne a entamé des procédures d’infractions contre la Hongrie. Une procédure d’infraction a aussi été ouverte contre la Pologne pour violation des droits fondamentaux des personnes LGBTQI (cf. fiche « L’Union européenne ne protège pas suffisamment les LGBTIQ ! Vraiment ? »).
Plus d’informations
- Rapport 2021 sur l’état de droit – La situation de l’état de droit dans l’Union européenne
- Rapport 2021 sur l’état de droit – Chapitres par pays
- Mécanisme européen de protection de l’état de droit – Fiche d’information
- Boîte à outils de l’UE en matière d’état de droit – Fiche d’information
- Rapport 2021 sur l’état de droit – Questions et réponses
- Le Parlement approuve la « conditionnalité liée à l’État de droit » pour l’accès aux fonds de l’UE
- Le site Touteleurope
- Fiche Décodeurs « L’union européenne ne protège pas suffisamment les LGBTIQ ! Vraiment ? »
Détails
- Date de publication
- 22 juillet 2021 (Dernière mise à jour: 17 février 2022)
- Auteur
- Représentation en France