Les sanctions adoptées par l’Union européenne et ses partenaires frappent déjà durement l’économie de la Russie. Cependant, suite à la flambée des prix de l’énergie à l’automne 2022, la Russie continue de tirer des profits importants de ses exportations d’hydrocarbures. Ainsi, certains ont pu affirmer que les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Russie sont contre-productives et qu’elles ne font qu’appauvrir l’Europe et enrichir la Russie. En cause : l’excédent commercial de la Russie et l’augmentation de ses revenus d’hydrocarbures de 40%. Pourtant, cette affirmation est trompeuse. Bien que la Russie profite temporairement de la hausse des prix de l’énergie, les sanctions européennes frappent durement son économie et les Etats européens sont plus près que jamais de s’affranchir de toute importation d’hydrocarbures russes.
Comment s'explique l’augmentation des prix de l’énergie ?
La hausse des prix de l’énergie que nous constatons actuellement est le résultat d’une situation exceptionnelle car, comme nous avons vu ces derniers mois, non seulement la Russie n’est pas un fournisseur fiable, mais elle manipule activement le marché du gaz.
Le montant du prix de gros de l’électricité en France a atteint 1 000 euros le mégawattheure (MWh) fin août 2022, contre 85 euros l’année dernière. Le prix de gros désigne le prix payé sur le marché européen par les fournisseurs et non pas le prix payé par le consommateur final, ce dernier étant encadré en France par des tarifs réglementés par l’Etat.
Il y a plusieurs causes à la hausse du prix de l’électricité sur le marché européen ces dernières semaines. D’abord, la reprise économique et industrielle liée à la sortie de la crise due à la COVID-19 a engendré une augmentation de la demande sur les marchés énergétiques. En même temps, les manipulations par la Russie du marché du gaz, dont une partie est utilisée pour produire l’électricité en Europe, ont également conduit à une volatilité élevée des prix. Et finalement, la période de forte sécheresse que nous avons traversée cet été - conséquence directe du changement climatique - a conduit à une réduction de 26% de l’hydroélectricité disponible dans l’Union européenne. C’est pour toutes ces raisons que nous constatons une forte augmentation des prix de l’énergie en cette période.
L’Europe s’émancipe de sa dépendance aux hydrocarbures russes plus tôt que prévu, alors que l’économie russe est en lambeaux
L’excédent commercial enregistré par la Russie n’est pas un signe de bonne santé économique. Il s’explique par un déséquilibre massif entre les exportations d’hydrocarbures et l’effondrement parallèle des importations qui a suivi les sanctions et qui met en difficulté la Russie qui est privée des produits essentiels pour son industrie. Pour les importations de produits de haute technologie, la Russie dépend de l'Europe à plus de 45%, des États-Unis pour 21% et de la Chine pour seulement 11%. Les sanctions sur les importations de semi-conducteurs, par exemple, ont un impact direct sur les entreprises russes qui produisent de l’électroménager, des ordinateurs, des avions, des voitures ou des équipements militaires.
Même si la hausse des prix de l’énergie profite temporairement à la Russie qui certes vend moins mais plus cher, établir un lien de causalité entre cette situation de fait et la réalité de l’impact des sanctions est abusif. Il est donc faux de dire que la Russie s’enrichit malgré les sanctions européennes. Les Etats européens sont en train de s’émanciper de leur dépendance aux hydrocarbures russes à un rythme plus rapide que prévu, alors que la Russie devient de plus en plus dépendante des revenus issus des exportations d’hydrocarbures. En effet, au début de la guerre et depuis de nombreuses années, 40 % de nos importations de gaz provenaient de Russie. Aujourd'hui, cette part est tombée à 9 %. La Norvège est aujourd'hui le premier exportateur de gaz naturel vers l’Union européenne. En plus, l’Union européenne a déjà mis un terme aux importations de charbon russe et 90% des approvisionnements en pétrole russe de l’UE cesseront d’ici le 5 décembre 2022.
A cela s’ajoutent les départs des entreprises européennes et occidentales, le gel des avoirs ou encore l’exclusion des banques russes du réseau Swift : des entreprises représentant 40% du PIB russe ont quitté le pays, 50% des avoirs de la Banque centrale de Russie sont gelés et 75% du secteur bancaire russe est soumis à des sanctions. Toutes ces mesures frappent durement la Russie comme le montrent plusieurs indicateurs : baisse du PIB, diminution des exportations, forte augmentation du taux d’inflation. Concrètement, selon la Banque Mondiale, la baisse du PIB russe devrait être supérieure à 11% en 2022, avec peu de possibilités de reprise au cours des 2 prochaines années. Selon les estimations du gouvernement allemand, cette baisse pourrait même atteindre 15%. Pour mettre cela en perspective, une telle chute de l’économie russe en une seule année n’a même pas été enregistrée lors de l’effondrement de l’URSS. Les exportations de la Russie ont diminué de 30,9%, alors que ses importations ont diminué de 35,2%. De plus, les estimations montrent que le taux d’inflation de la Russie pourrait atteindre 22% cette année.
Comment l’Europe protège les consommateurs face à la hausse des prix de l’énergie ?
Les sanctions à l’encontre de la Russie sont établies de manière à maximiser les effets négatifs sur l'économie russe, tout en en limitant les conséquences pour les entreprises et les citoyens de l'UE. L'Union européenne a déjà accompli une série d’actions fortes qui assurent la continuité de notre approvisionnement énergétique et nous protègent des pénuries. Grâce aux économies d’énergie, nous avons déjà rempli les capacités de stockage commun du gaz en Europe à 84%. Nous avons diversifié nos sources d’approvisionnement et nous avons assuré les importations des volumes de gaz nécessaires auprès d’autre fournisseurs fiables. Enfin, nous avons déployé des investissements massifs dans les énergies renouvelables, à travers le plan RePowerEU, afin d’assurer notre indépendance énergétique à l’avenir.
Pour mieux protéger les consommateurs et les entreprises européennes face à la flambée des prix de l’électricité, la Commission européenne a proposé de nouvelles mesures fortes en septembre 2022, avec les objectifs suivants :
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Des économies d’électricité : la première réponse pour lutter contre les prix élevés consiste à réduire la demande. Ainsi, la Commission a proposé une obligation de réduction de la consommation d’électricité d’au moins 5% pendant les heures de pointe, quand le prix du gaz a une incidence significative sur le prix de l’électricité. En plus, la Commission a proposé un objectif de réduction de la demande globale d’électricité d’au moins 10% jusqu’au 31 mars 2023.
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Plafonnement des recettes des producteurs d’électricité : la Commission a proposé un plafond temporaire à 180 euros/MWh des recettes des entreprises qui produisent de l’électricité à faible coût afin de réorienter ces profits inattendus vers les ménages et les entreprises les plus vulnérables pour faire baisser le montant de leurs factures.
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Plafonnement des recettes des entreprises du secteur des combustibles fossiles : la Commission a proposé une contribution de solidarité temporaire sur les bénéfices excédentaires générés par des activités dans les secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage, qui ne sont pas couverts par le plafond précédent. Cette contribution temporaire sera perçue par les États membres sur les bénéfices de 2022 excédant de plus de 20 % les bénéfices moyens des trois années précédentes. Les recettes seront réorientées vers les consommateurs, notamment les ménages vulnérables, les entreprises durement touchées et les industries à forte intensité énergétique.
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Aider davantage les consommateurs en autorisant, pour la première fois, des prix de l’électricité réglementés inférieurs aux coûts de production et élargir les prix réglementés pour couvrir également les PME.
Pour en savoir plus :
Incidence des sanctions sur l'économie russe - Consilium (europa.eu)
La Commission européenne décide seule des sanctions ! Vraiment ? (europa.eu)
L’Europe est aux côtés de l’Ukraine ! (europa.eu)
L’Europe peut-elle se passer du gaz russe ? (europa.eu)
L’Europe est responsable de la hausse des prix de l’énergie ! Vraiment ? (europa.eu)
L’Union européenne ne fait rien pour réduire sa dépendance au gaz russe ! Vraiment ? (europa.eu)
Détails
- Date de publication
- 29 septembre 2022
- Auteur
- Représentation en France