Aller au contenu principal
Représentation en France
Discours28 mai 2024Représentation en France6 min de lecture

Allocution d'ouverture de la Présidente von der Leyen lors de la cérémonie du Prix international de la Paix de Westphalie, décerné au Président français Macron

Seul le texte prononcé fait foi.

Visit of Ursula von der Leyen, President of the European Commission, to Germany

Monsieur le Président, cher Frank,

Madame Büdenbender,

Monsieur le Président Macron, cher Emmanuel, chère Brigitte,

Mesdames les Ministres Nowacka et Paus,

Monsieur le Ministre-Président Wüst, cher Hendrik,

Mesdames et Messieurs les Ministres du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie,

Monsieur le Président Merz, cher Friedrich,

Votre altesse royale,

Mesdames et Messieurs les députés du Parlement européen, du Bundestag et du parlement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie,

Monsieur le Maire Lewe,

Monsieur Zinkann,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de remercier la Société économique de Westphalie-Lippe. C'est un grand honneur pour moi d'ouvrir cette cérémonie. La Westphalie est le lieu de naissance de l'Europe moderne. La guerre de Trente ans a été l'un des conflits les plus brutaux de l'histoire de l'humanité. Plus de cinq millions de personnes y ont perdu la vie.

Toutefois, au milieu de cet océan de souffrances, un événement révolutionnaire s'est produit: 235 délégations issues de toute l'Europe se sont réunies ici en Westphalie. Elles se sont querellées, elles ont discuté pendant plus de 2 ans, pour parvenir finalement à une vision commune de ce que pourrait être une paix durable en Europe. Pour la première fois, les Européennes et les Européens s'étaient mis d'accord sur un ensemble de règles qui s'appliqueraient indistinctement à tous les États de notre continent. Le droit international moderne était né. Tous les États devaient être égaux en dignité et en droits, qu'ils soient grands ou petits, catholiques ou protestants, qu'ils soient anciens ou qu'ils aient été fondés récemment. Ces idées avaient déjà été développées 70 ans auparavant par Jean Bodin, théoricien politique français. Et c'est sur ce fondement qu'a vu le jour en 1648, ici, le concept moderne de souveraineté de l'État.

Ce concept constitue aujourd'hui encore un pilier de la paix internationale. C'est ce que nous appelons un ordre fondé sur des règles. C'est l'immense cadeau que la Westphalie a offert non seulement à l'Europe, mais aussi au monde entier. C'est l'héritage que l'Europe doit non seulement cultiver, mais aussi protéger, préserver et mettre à l'honneur. C'est pourquoi le prix institué par la Société économique de Westphalie-Lippe revêt aujourd'hui encore une telle importance.

Mesdames, Messieurs,

Les principes mis à l'honneur par ce prix sont plus importants que jamais dans le monde d'aujourd'hui. Poutine a ramené la guerre en Europe. En lançant ses chars en Ukraine, il a aussi attaqué la charte des Nations unies. Il a également attaqué l'architecture de sécurité européenne, et l'idée même de souveraineté nationale, ainsi que le consensus voulant que les frontières ne peuvent être modifiées par la force. Et c'est précisément pourquoi ses froids calculs doivent être mis en échec. Un succès de sa guerre impérialiste ferait peser une menace existentielle sur toute l'Europe.

Monsieur le Président Macron,

Il s'agissait là d'un élément central de votre magistral discours de la Sorbonne. La souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine sont dans l'intérêt de la sécurité de toutes les Européennes et de tous les Européens. Le peuple ukrainien défend son pays et notre sécurité. Nous devons mobiliser toute la force de notre Union pour permettre à l'Ukraine de résister à l'agresseur. Une paix juste et durable ne peut être fondée que sur le droit international et sur de solides garanties de sécurité pour l'Ukraine. Et nous devons faire notre part.

Monsieur le Président, comme vous l'avez dit hier à Dresde: «Nous sommes à un moment inédit de notre histoire où nous devons penser notre défense et notre sécurité par nous-mêmes et pour nous-mêmes en tant qu'Européens». Aujourd'hui, l'Europe s'engage vers une plus grande souveraineté en matière de défense.

Ces dernières années nous ont clairement montré que nous devons, sur tous les plans, nous doter de notre propre force européenne si nous voulons préserver la paix sur notre continent. Et c'est précisément la raison pour laquelle il est justifié que les budgets de défense augmentent en Europe et que nous investissions davantage dans l'industrie de la défense.

C'est pourquoi il est justifié d'œuvrer pour une union commune de la défense en Europe. À cet égard, l'initiative en faveur d'un bouclier antimissiles est emblématique. Cette initiative a été lancée par le chancelier Scholz lors de son discours à Prague. Vous, Monsieur le Président, avez ouvert la porte à une discussion au niveau européen, lors de votre discours à la Sorbonne. Et il y a quelques jours, les Premiers ministres Tusk et Mitsotakis ont poursuivi sur cet élan. Une Union européenne n'est véritablement souveraine que lorsqu'elle est en mesure de s'affirmer. C'est exactement cela qu'attendent les peuples d'Europe. «Une Europe qui protège», comme vous l'avez dit, Monsieur le Président. Une Europe qui protège, notre démocratie aussi en a besoin.

Ses adversaires veulent non seulement déplacer les frontières physiques par la force, mais aussi déplacer les frontières dans nos esprits. Ils utilisent non seulement des drones, des chars et des missiles, mais aussi des robots, des trolls et des faux comptes. Et cela de manière systématique et à l'échelle industrielle. Ils testent notre résilience quotidiennement à tous les niveaux. Qu'il s'agisse de l'instrumentalisation des migrants du Yémen se retrouvant par milliers dans les forêts frontalières finlandaises, ou des bouées marquant la frontière sur la rivière Narva qui disparaissent, ou encore des cyberattaques contre des institutions démocratiques. Je pourrais citer de nombreux autres exemples — l'objectif est le même. Il s'agit d'ébranler notre sentiment de sécurité et de compromettre la paix sociale. Il s'agit en fin de compte de détruire l'idée européenne.

Et c'est précisément parce que tout est en jeu que nous devons penser plus grand et plus loin. Ces dernières années, nous avons démontré qu'en restant unis, nous pouvions déplacer des montagnes. Ensemble, nous avons maîtrisé la pandémie, nous avons déjoué la tentative d'extorsion de Poutine sur la limitation des livraisons de gaz, et nous avons surmonté une crise énergétique majeure parce que nous sommes restés unis: 27 États et 450 millions de personnes.

C'est par la même attitude et la même force intérieure que nous devons relever ces défis. Nous avons connu la paix pendant des décennies. Nous avons surmonté les profondes divisions de l'Europe. Nous avons construit une puissance économique unique en son genre. Aujourd'hui, c'est à nouveau notre démocratie et notre liberté qui sont en jeu. La jeune génération ne nous pardonnerait jamais si nous n'affrontions pas résolument cette mission, si nous ne protégions pas les fondements de l'Europe avec courage et clarté, et si nous ne contribuions pas tous à créer une Europe libre, où règne la paix et, surtout, capable d'agir. C'est dans cet esprit que j'adresse toutes mes félicitations à tous les lauréats. 

Qu'ils soient remerciés pour leur engagement.

Vive l'Europe.

Détails

Date de publication
28 mai 2024
Auteur
Représentation en France