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Représentation en France
Discours15 mars 2023Représentation en France12 min de lecture

Discours de la Présidente von der Leyen à la session plénière du Parlement européen sur la préparation de la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023

Seul le texte prononcé fait foi.

Participation of Ursula von der Leyen, President of the European Commission, in the plenary session of the European Parliament

Madame la Présidente, chère Roberta,

Monsieur le Président, cher Charles,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Vendredi dernier, j'ai rencontré le Président Biden à Washington. Nous avons eu une discussion très productive au sujet de la loi sur la réduction de l'inflation. Il existe une symétrie frappante entre cette loi et le pacte vert pour l'Europe. Tous deux sont à la fois une stratégie climatique et une stratégie d'investissement et de croissance. Tous deux intègrent le financement d'une transition juste. Et tous deux comprennent des normes réglementaires. Ce n'est qu'en matière de tarification du carbone – un outil de première importance - que le système des États-Unis est beaucoup plus limité que le nôtre. Ainsi, les deux économies les plus grandes et les plus avancées du monde suivent désormais la même direction. Je salue donc la loi sur la réduction de l'inflation pour les investissements massifs réalisés dans les technologies propres.

Néanmoins, vous vous souviendrez peut-être que nous en avions déjà parlé au mois de novembre, certains aspects de la loi sur la réduction de l'inflation étaient préoccupants et devaient être résolus. Aujourd'hui, je suis heureuse d'annoncer que nous avons trouvé des solutions. Vendredi dernier, le Président Biden et moi-même avons premièrement confirmé l'accord sur les véhicules électriques, en vertu duquel les constructeurs automobiles européens peuvent accéder au marché américain, et donc bénéficier d'allègements fiscaux aux États-Unis. Deuxièmement, nous avons lancé des discussions sur un accord relatif aux matières premières critiques. Il s'agit de veiller à ce que les matières premières critiques pour les batteries de véhicules électriques, qu'elles soient extraites ou transformées dans l'Union européenne, soient traitées de la même manière que si elles provenaient des États-Unis. De cette façon, nous pourrons assurer de solides chaînes d'approvisionnement en batteries en Europe et garantir l'accès au marché américain. Enfin, troisièmement: nous avons entamé un dialogue sur la transparence des mesures d'incitation destinées à l'industrie des technologies propres.

Voilà, globalement, de bonnes nouvelles. Mais soyons clairs: les négociations ne pourront résoudre que certains des aspects les plus préoccupants. C'est à nous, Européens, que reviendra l'essentiel du travail. Nous devons améliorer notre capacité à stimuler notre propre industrie des technologies propres. Nous devons accélérer, simplifier nos procédures, nous devons favoriser un meilleur accès aux financements publics et privés.

Pour le cas où vous en douteriez, permettez-moi de vous livrer trois chiffres qui illustrent bien pourquoi tout cela est si important. L'an dernier, les investissements globaux dans la transition vers une énergie propre se sont montés à mille milliards de dollars, soit 30% de plus que l'année précédente. Quant au marché mondial des technologies à zéro émission nette, il devrait encore tripler d'ici à 2030. Bref: la course est ouverte. La course pour occuper une position dominante sur ce marché. Nous devons prendre les choses en main si nous voulons rester en tête. Nous devons développer notre base industrielle de technologies propres, à la fois pour créer des emplois de qualité et bien rémunérés ici même, en Europe, et bien sûr pour nous assurer un accès aux solutions propres dont nous avons besoin de toute urgence. Et voilà exactement en quoi consiste le plan industriel du pacte vert pour l'Europe.

Les grands axes du plan industriel du pacte vert sont deux actes législatifs. Le premier est le règlement pour une industrie à zéro émission nette et le deuxième est le règlement sur les matières premières critiques. La Commission va présenter ces deux règlements cette semaine, en fait demain. Permettez-moi d'en dire quelques mots. Avec le règlement pour une industrie à zéro émission nette, nous fixons le niveau d'ambition. D'ici à 2030, nous voulons être en mesure de produire au moins 40 % des technologies propres dont nous avons besoin chez nous pour mener à bien notre transition verte. Avec le règlement pour une industrie à zéro émission nette, il est donc question essentiellement de rapidité et d'assouplissement. Nous sommes en train de simplifier les formalités d'autorisation. Nous travaillons actuellement avec des sas réglementaires. Nous allons mettre en place des régimes d'aide d'État plus simples. Et nous allons autoriser des allégements d'impôts et l'utilisation flexible des fonds européens. Donc, en un mot, le règlement pour une industrie à zéro émission nette garantira non seulement une rapidité et une simplification accrues, mais prévoira aussi un financement.

Le deuxième grand axe est le règlement pour les matières premières critiques, que le collège adoptera également demain. Il s'agit de garantir l'approvisionnement en matières premières critiques dont la transition numérique et verte a impérativement besoin. Ces minerais, comme vous le savez, alimentent les téléphones, les véhicules électriques, les puces et les batteries, les éoliennes, les panneaux solaires, et j'en passe. En d'autres mots: nous ne pouvons pas fonctionner sans ces matières premières critiques. Et la demande en matières premières critiques connaîtra une augmentation exponentielle au cours des prochaines années et décennies. Or, et nous en avons déjà parlé ici au sein de cet hémicycle, comme vous le savez tous, à l'heure actuelle, l'Union européenne est largement tributaire de quelques pays tiers pour obtenir ces matières premières stratégiques. Pour ne citer que quelques exemples, et vous en connaissez beaucoup d'autres: 98 % de nos approvisionnements en terres rares proviennent de la Chine; 93 % de notre magnésium provient de la Chine; 97 % de notre lithium provient de la Chine. Et ainsi de suite; la liste est longue.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous le savons, la pandémie et la guerre nous ont enseigné une leçon amère en matière de dépendance excessive. Par conséquent, si nous tenons à être indépendants, nous devons de toute urgence renforcer et diversifier nos chaînes d'approvisionnement auprès de partenaires partageant les mêmes valeurs. La semaine dernière, j'étais également au Canada, et le Canada est un pays qui partage les mêmes valeurs que nous. On y voit des entreprises européennes exemplaires, qui font justement ce qu'il faut: diversifier et renforcer nos chaînes d'approvisionnement. Par exemple, elles s'approvisionnent en nickel à faible teneur en carbone pour produire des batteries ici dans l'Union européenne. Le Canada n'est pas seulement un partenaire fiable. C'est aussi un pays qui partage nos valeurs et qui garantit une exploitation minière respectueuse des normes les plus élevées, pour l'environnement et pour les travailleurs.  

Et donc, notre règlement sur les matières premières critiques soutiendra les efforts déployés en ce sens par des entreprises européennes. Nous voulons extraire davantage de minerais ici, dans l'Union européenne. Nous voulons stimuler notre capacité de transformation afin de couvrir au moins 40 % de notre consommation annuelle. Et bien sûr, nous devons recycler davantage. Là aussi, j'aimerais revenir sur le Canada: j'ai visité une entreprise qui est capable de recycler 95 % du lithium, du cobalt et du nickel présents dans des batteries usagées. 95 % du contenu des batteries usagées - c'est incroyable. Et c'est ça, l'avenir, c'est cela que nous devons obtenir dans l'Union européenne.

Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés,

pour ce qui est de notre soutien aux entreprises du secteur des technologies propres. Mais le thème de la compétitivité est bien sûr beaucoup plus vaste. Il concerne notre marché unique. Et tel est précisément l'objet des deux communications que nous publierons également demain. Nous savons tous que le marché unique est le fondement de notre prospérité et de notre compétitivité. On célèbre ses 30 ans cette année. Mais le potentiel de ce marché unique est loin d'être pleinement exploité. Les différentes études qui lui sont consacrées montrent que nous pourrions libérer plus de 700 milliards d'euros si nous en exploitions tout le potentiel. Cela commence, comme vous le savez, par les marchés des capitaux ou par la recherche et le développement. Nous savons que notre force trouve sa source dans la recherche fondamentale et le développement, ainsi que dans notre aptitude à la commercialisation. Vous en connaissez les exemples: les vaccins à ARNm ont été mis au point en Europe et nous ont permis de surmonter la pandémie. Si cette innovation tournée vers l'avenir a été développée ici, c'est pour une bonne raison. Un autre exemple concerne la recherche sur l'hydrogène : il n'existe aucun autre endroit au monde où autant de brevets pour l'hydrogène vert ont été déposés qu'ici en Europe entre 2011 et 2020, c'est-à-dire au cours de la dernière décennie. Ce ne sont là que deux exemples parmi bien d'autres. C'est précisément de tels exemples qui doivent nous inspirer.

En effet, nous, les Européens, nous sommes donnés comme objectif de consacrer 3 % de notre produit intérieur brut à la recherche et au développement d'ici à 2030. Mais cet objectif est déjà ancien: nous nous l'étions fixé pour la première fois en 2002. Et si nous considérons la vitesse à laquelle nous nous dirigeons vers cet objectif, nous devons constater que, certes, nous nous en approchons, mais très très lentement. Ce n'est absolument pas suffisant. Et surtout, d'autres sont plus rapides et d'autres ne dorment pas. Si, comme nous l'avons dit, nos dépenses de recherche et développement augmentent lentement, nous devons constater que notre part des dépenses de recherche et développement dans le monde est passée de 41 % à 31 % au cours des vingt dernières années.

J'aimerais donc, en accord avec la présidence du Conseil suédoise, proposer aux chefs d'État et de gouvernement de relever cet objectif européen commun en matière de dépenses de recherche, de nous asseoir ensemble et d'étudier en détail pourquoi les investissements dans l'innovation, la recherche et le développement sont si lents chez nous et comment nous pouvons nous améliorer. Cela est non seulement nécessaire pour les chercheurs, les scientifiques et les entreprises d'Europe, mais ce serait également un signal très fort qui montrerait que la compétitivité de notre marché unique européen revêt vraiment de l'importance à nos yeux. Mon deuxième point concerne une question dont vous entendez très souvent parler: la bureaucratie Ce sont les entreprises et les travailleurs européens qui font du marché unique l'une des zones économiques les plus attractives au monde. Peu importe qu'il s'agisse de géants industriels, de leaders sur les marchés mondiaux, de PME ou d'entreprises familiales: leur réussite est celle de l'Europe. C'est pourquoi nous faisons tout pour leur faciliter le travail. Nous savons que la qualité de l'administration publique et du cadre juridique est essentielle pour la compétitivité. C'est la raison pour laquelle nous veillons en commun, au moyen d'analyses d'impact détaillées, à faire en sorte que les lois européennes n'entravent pas les entreprises mais les soutiennent. Toutefois, et nous le savons tous, souvent ce ne sont pas les différentes pièces justificatives à apporter, souvent ce ne sont pas les différentes exigences prises individuellement qui leur rendent la vie difficile, mais c'est l'accumulation énorme de toutes ces tâches. C'est pourquoi nous allons, en nous plaçant dans une perspective inter-disciplinaire, étudier ce qui fait vraiment progresser la compétitivité de l'Europe et ce que à quoi nous pouvons renoncer. D'ici l'automne, nous soumettrons des propositions concrètes pour simplifier les obligations de compte rendu et les réduire d'environ25%. Ce  ne sera pas simple, mais c'est un effort que nous devons faire.

Nos priorités politiques restent les mêmes, car elles sont justes. Il s'agit du Pacte vert pour l'Europe, de la numérisation et de la résilience géopolitique. Nous les avons définies ensemble il y a trois ans et demi. Elles se sont avérées justes, y compris et particulièrement en ces temps de crise. Mais nous voulons faire en sorte que leur mise en œuvre soit moins coûteuse, surtout pour nos PME. Nous pouvons prouver que c'est possible, car nous avons montré, dans le domaine du développement des énergies renouvelables, la dynamique qui peut réellement être créée avec des mesures législatives ciblées visant à rendre les procédures d'autorisation plus rapides et plus souples. Dorénavant, cela devrait donc être la règle et non l'exception. Enfin un dernier point: le marché unique européen est fort. Nous pouvons en être fiers. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver cette force et la développer. C'est pourquoi nous devrions nous appuyer à l'avenir sur un ensemble d'indicateurs importants, les "Key Performance Indicators". Ils peuvent nous permettre de mesurer si l'économie européenne devient effectivement plus compétitive. Et si nos discussions vont dans le bon sens. Comment évolue la part des investissement privés? Le nombre des entreprises dotées d'un Internet rapide est-il en augmentation? Qu'en est-il de la participation des adultes à la formation professionnelle? Ainsi de suite. Toutes ces données existent. Nous n'avons pas besoin d'en collecter de nouvelles. Mais nous n'exploitons pas ces données. À l'aide de ces données et des indicateurs clés de performance, nous pourrons déterminer objectivement si nous progressons. Cela signifie qu'il ne s'agira pas de suppositions, mais que nous aurons des chiffres réels basés sur des données concrètes. La Commission soumettra donc annuellement un rapport au Parlement sur l'évolution de ces chiffres clés, de ces indicateurs clés de performance.

Mesdames et Messieurs les Députés,

Avec une guerre à nos portes, des prix de l'énergie volatils et des investissements massifs dans les énergies propres partout dans le monde, l'Europe doit redoubler d'efforts. Je me réjouis à la perspective de développer les propositions que nous présentons aujourd'hui. Voilà notre réponse.

Vive l'Europe !

Détails

Date de publication
15 mars 2023
Auteur
Représentation en France