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Représentation en France
Discours15 mai 2023Représentation en France

Discours de la Présidente von der Leyen à l'occasion de la conférence « Au-delà de la croissance » organisée au Parlement européen

Seul le texte prononcé fait foi.

Participation of Ursula von der Leyen, President of the European Commission, in the Beyond Growth Conference in the European Parliament

Merci beaucoup, chère Roberta,

Merci beaucoup, cher Philippe,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs,

En effet, si l'on remonte en arrière, il y a un peu plus de 50 ans, le Club de Rome et un groupe de chercheurs du MIT publiaient le rapport intitulé «Les limites à la croissance», dans lequel ils décrivaient les interactions entre croissance démographique, économie et environnement. Et, il y a 50 ans, leur conclusion était sans appel: il faut arrêter la croissance économique et démographique, ou notre planète n'y arrivera plus. Comme vous le savez, ce rapport a été le point de départ d'une longue controverse – concernant le rôle des nouvelles technologies dans la lutte contre le changement climatique, notamment.

Mais plutôt que de poursuivre la polémique, je voudrais aujourd'hui m'arrêter sur un seul point, un point sur lequel le rapport avait indubitablement vu juste: je veux parler de l'affirmation claire et nette selon laquelle un modèle de croissance fondé sur les combustibles fossiles est tout bonnement obsolète. Ce constat a depuis été confirmé à de multiples reprises. Le dernier rapport en date du GIEC n'est que le rappel le plus récent du fait que nous devons décarboner nos économies le plus vite possible.

Et c'est précisément pour cette raison que nous avons lancé notre pacte vert pour l'Europe. Construire une économie circulaire, fondée sur des énergies propres et digne du XXIe siècle, est l'un des défis économiques majeurs de notre époque. Le pacte vert pour l'Europe n'est pas seulement notre feuille de route pour lutter contre le changement climatique et devenir le premier continent à atteindre la neutralité climatique. C'est aussi notre nouveau modèle de croissance européen, pour une économie prospère, responsable et résiliente. C'est notre programme d'action pour une modernisation systématique de l'industrie européenne. Parce que, sur le long terme, seule une économie durable peut être une économie forte. Seule une économie durable dispose des ressources nécessaires pour investir dans un avenir plus sain et plus juste. Seule une économie durable nous donne les moyens d'atteindre les objectifs sociaux que nous nous sommes fixés lors des sommets sociaux de Göteborg et de Porto. Seule une économie durable produit les outils susceptibles d'accélérer la recherche et le développement dans le domaine des technologies propres.

Il y a 50 ans, le Club de Rome ne pouvait pleinement imaginer, par exemple, le potentiel que recèle l'hydrogène vert. Il ne pouvait imaginer que nous pourrions conduire nos voitures électriques actuelles. Il ne pouvait sans doute pas imaginer ce que serait notre avenir, par exemple avec des batteries dont nous sommes capables de recycler 95 % du lithium, du nickel et du cobalt qu'elles contiennent... Ce n'est pas ce qui se fait couramment aujourd'hui, mais nous avons les moyens de le faire. En revanche, il y a 50 ans, le rapport sur «Les limites à la croissance» reconnaissait déjà que, si une croissance fondée sur les énergies fossiles était insoutenable pour la planète, l'humanité était capable d'imaginer un autre modèle de croissance, «qui soit viable sur le très long terme».

Telle est la mission qui nous anime aujourd'hui. C'est l'esprit du pacte vert pour l'Europe. Nous n'avons pas à partir de rien. Notre boussole, ce qui nous guide dans cette entreprise, ce sont les valeurs de l'économie sociale de marché ancrées en Europe de longue date – les vraies valeurs, si on en fait un usage judicieux. Notre économie sociale de marché n'a jamais été exclusivement axée sur la croissance économique. Le développement humain y a toujours eu sa place. Elle n'a jamais eu pour seul but l'efficacité et la libéralisation du marché. Bien au contraire: l'économie sociale de marché fonctionne dans l'intérêt du travailleur et de la communauté. Elle ouvre des possibilités, tout en fixant des limites très claires. Elle récompense la performance, mais garantit aussi une protection contre les risques importants de la vie. Au-delà de la croissance, elle se focalise sur ces biens publics que sont la santé, l'éducation et les compétences, les droits des travailleurs, la sécurité personnelle, l'engagement citoyen et la gouvernance – la bonne gouvernance. Notre économie sociale de marché, si elle est justement pensée, encourage tout un chacun à exceller, mais elle prend également soin de l'être humain dans toute sa fragilité.

Les valeurs de l'économie sociale de marché nous guident depuis le début du mandat de cette Commission. Dans le cadre du pacte vert pour l'Europe, nous nous sommes toujours efforcés de concilier les emplois et la protection des personnes les plus vulnérables de nos sociétés. L'innovation technologique et la neutralité climatique. Et nous sommes restés fidèles à cette approche, même quand de nouvelles crises sont venues perturber notre quotidien.

Tout d'abord, quand la pandémie nous a frappés de plein fouet. Notre plan de relance, NextGenerationEU, a non seulement visé à relancer nos activités économiques après les confinements, mais également à transformer notre modèle économique. En poussant la décarbonation de l'industrie, du secteur énergétique et des transports. En mettant l'accent sur les compétences et les infrastructures numériques. Avec de nouveaux investissements dans les écoles et les hôpitaux. Au-delà de la croissance, NextGenerationEU prend soin de l'avenir de la prochaine génération.

Puis l'an dernier, lorsque les chars russes ont envahi l'Ukraine, et que le Kremlin a déployé contre nous l'arme du chantage énergétique, cela a été une année difficile, cela nous a profondément ébranlés. Cependant, nous avons non seulement garanti la sécurité énergétique de l'Europe – il n'y a pas eu de coupures de courant généralisées – et protégé les ménages et les entreprises vulnérables grâce à une contribution de solidarité des grands fournisseurs énergétiques, mais nous avons aussi vigoureusement accéléré la transition vers une énergie propre. Et pour la première fois de notre histoire, en 2022, nous avons généré plus d'électricité à partir d'énergie solaire et éolienne qu'à partir du gaz et du pétrole. Alors que les émissions de CO2 ont augmenté de 1 % dans le monde, dans l'Union européenne, pendant l'année 2022, nous avons réussi à les réduire de 2,5 % – et ce malgré la guerre. C'est donc la preuve que l'on peut concilier réduction des émissions et prospérité. C'est faisable.

L'écrivain français et prix Nobel André Gide a dit un jour: «On ne peut découvrir de nouvelles terres sans consentir à perdre de vue le rivage.» Dans les années 1970, un an seulement après la publication du rapport sur les limites à la croissance, la grande crise pétrolière commençait. Nos prédécesseurs ont alors choisi de ne pas quitter le rivage, de ne pas le perdre de vue. Ils n'ont pas repensé leur paradigme de croissance mais se sont reposés sur le pétrole. Et les générations suivantes en ont payé le prix. Nous traversons à notre tour des crises majeures. Nous choisissons de suivre une autre voie, nous choisissons de partir à la découverte de nouvelles terres. Ce n'est pas rien.

Aujourd'hui, nous abandonnons le modèle de croissance reposant sur les carburants fossiles. Les nouvelles terres ne se dessinent pas encore nettement à l'horizon, mais elles sont en vue, nous pouvons les atteindre. Nous savons que l'avenir de nos enfants ne dépend pas seulement des indicateurs de PIB, mais des fondations sur lesquelles repose le monde que nous leur construisons. C'est Robert Kennedy qui, dans les années 1960, a fait cette célèbre déclaration: le PIB «mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue: la santé de nos enfants, ou la gaieté de leurs jeux.» Et je suis sûre que s'il avait prononcé ce discours aujourd'hui, Robert Kennedy aurait ajouté le chant des oiseaux, et le bonheur de respirer un air propre. Aujourd'hui, à un niveau très fondamental, nous comprenons sa sagesse. Nous comprenons que la croissance économique n'est pas une fin en soi. Que la croissance ne doit pas détruire ses propres fondements. Que la croissance doit être au service des gens et des générations futures. C'est exactement ce dont vous discuterez aujourd'hui et au cours des deux prochains jours.

Alors merci de m'avoir invitée, et je vous souhaite une excellente conférence.

Détails

Date de publication
15 mai 2023
Auteur
Représentation en France