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Représentation en France
Article d’actualité27 avril 2021Représentation en France7 min de lecture

La Commission européenne ne donne jamais suite aux initiatives citoyennes ! Vraiment ?

Officiellement lancée le 9 mai 2012, la procédure d’initiative citoyenne européenne (ICE) est le dispositif par excellence de démocratie participative dans l’Union européenne : il permet aux citoyens européens d’interpeler directement la Commission européenne en lui demandant de légiférer dans un domaine pour lequel elle est compétente.

Press conference by Věra Jourová, Vice-President of the European Commission, and Stella Kyriakides, European Commissioner, on the European citizens’ initiative “End the Cage Age”

L’ICE, qu’est-ce que c’est ?

L’ICE est un processus issu du traité de Lisbonne. Ce traité, entré en vigueur le 1er décembre 2009, accorde une forme d’initiative politique aux citoyens de l’Union européenne. En respectant les conditions prévues, les citoyens de l’UE peuvent ainsi demander à la Commission de présenter au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne une proposition législative portant sur une thématique relevant des compétences de l’UE.

Même si, conformément aux traités, la Commission conserve le droit de ne pas suivre partiellement ou entièrement la demande formulée dans l’ICE, elle est tenue de répondre et de justifier sa décision publiquement.

Les ICE doivent remplir certains critères pour être examinées par la Commission

Pour qu’une ICE soit recevable, elle doit remplir un ensemble de conditions, que l’on peut diviser en deux groupes :

  • Conditions d’enregistrement par la Commission

Tout d’abord, un groupe d’organisateurs composé d’au moins 7 citoyens résidant dans au moins 7 États membres différents doit être constitué.

Ensuite, l’ICE doit concerner un domaine qui relève des compétences de l’UE pour lesquelles la Commission dispose du droit d’initiative (par exemple, l’ICE visant à interdire l’emploi de l’énergie nucléaire dans les pays de l’Union ne relève manifestement pas des compétences de l’UE et n’a pu être validée).

L’objet de l’ICE ne doit pas revêtir un caractère abusif, fantaisiste ou vexatoire et doit respecter les valeurs de l’UE telles qu’énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne (égalité femmes-hommes, État de droit, protection des minorités, etc.).

Enfin, elle ne peut destituer une loi ou un traité.

  • Recueillir un nombre suffisant de signatures de citoyens européens

Si les conditions précédentes sont satisfaites, la Commission enregistre officiellement la proposition d’ICE, ce qui permet aux initiateurs de lancer la procédure de recueil des signatures.

Pour que son contenu soit examiné par la Commission européenne, l’ICE doit recueillir au moins 1 million de signatures de citoyens issus d’au moins un quart des États membres de l’Union, et ce, en 1 an maximum.

Il existe également un quota de signatures à collecter dans chaque État, selon sa population (4 230 à Malte contre 67 680 en Allemagne par exemple et 55 695 signatures en France).

Par exemple, l’ICE visant à interdire le mariage entre personnes de même sexe n’a pas recueilli le nombre de signatures requis et la procédure ne s’est donc pas poursuivie.

Si le nombre de signatures requis est atteint, le groupe d’organisateurs pourra présenter l’ICE à la Commission. Cette dernière disposera alors de 6 mois pour indiquer si elle compte lui donner suite.

Les ICE en pratique

Depuis le lancement du dispositif en 2012, 101 ICE ont fait l’objet d’une demande d’enregistrement. Parmi elles, 76 ont été déclarées recevables et ont donc effectivement été lancées. Enfin, 5 ICE sont parvenues à leur terme en récoltant plus d’un million de signatures provenant de ressortissants d’au moins 7 États membres de l’Union. La Commission a répondu à chacune d’entre elles, en proposant parfois des changements de législation y étant directement liés.

Il est vrai que 5 réponses de la Commission peuvent paraître peu nombreuses par rapport au nombre d’ICE ayant été déposées. Seulement, rien de contraire aux règles du traité ici : la Commission n’est tenue d’examiner que les ICE satisfaisant aux règles de recevabilité et ayant recueilli au moins 1 million de signatures. Avec ces conditions, il s’agit notamment d’éviter d’interpeller la Commission sur des sujets pour lesquels elle n’a aucun pouvoir ou qui ne sont défendus que par une minorité de citoyens. Or, ces conditions n’ont été remplies que par 5 ICE, donc le nombre de réponses de la Commission n’est finalement pas étonnant.

La Commission donne suite aux ICE qui lui sont transmises

Suite à l’initiative « Stop Vivisection », lancée en 2012, présentée en mars 2015 et ayant recueilli près de 1 200 000 signatures provenant de 26 États membres, la Commission a pris plusieurs initiatives visant à favoriser les approches scientifiques ne recourant pas à des expérimentations sur les animaux.

L’objectif à moyen terme est d’abandonner complètement ce type d’expérimentation. Dès 2010, la directive 2010/63/UE prescrivait notamment que si une méthode ne recourant pas à l’expérimentation animale et permettant d’atteindre le même objectif de recherche existait, son utilisation était obligatoire. Il s’agit maintenant de se saisir du succès de l’initiative citoyenne « Stop Vivisection » pour mieux appliquer la directive.

Outre le suivi de la mise en œuvre de la directive, la Commission a organisé une conférence scientifique en décembre 2016 visant à mobiliser la communauté scientifique pour recourir à davantage de méthodes de substitution à l’expérimentation animale et à renforcer le partage systématique des informations et des connaissances afin de reproduire des expérimentations identiques.

En octobre 2017, une autre ICE très médiatique, concernant la protection de la population et de l’environnement contre les pesticides toxiques a été soumise à la Commission, avec les déclarations de soutien de plus d’un million d’Européens ressortissants de 22 États membres.

En réponse, la Commission a décidé d’apporter des garanties supplémentaires afin de renforcer la confiance du public dans le processus d’évaluation des pesticides, notamment dans la fiabilité et l’objectivité des études scientifiques.

Elle a proposé d’imposer aux industriels de déclarer et d’enregistrer toutes les études (y compris les études défavorables) commandées en soutien à leur demande d’autorisation, de les rendre publiques et facilement accessibles et de permettre à toutes les parties intéressées et au grand public de se prononcer sur ces études.

Cette proposition prévoit également que la Commission puisse demander à l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) de faire procéder à des études destinées à contrevérifier des éléments fournis à l’appui des demandes d’autorisation.

Le Parlement européen et les États membres se sont accordés en février 2019 sur cette proposition.

Dans le cadre de cette évaluation générale, les États membres doivent donc accorder une attention particulière à différents critères, notamment à la protection des eaux souterraines dans les zones vulnérables, notamment en ce qui concerne les utilisations non agricoles ; à la protection des opérateurs et des utilisateurs non professionnels ; au risque pour les vertébrés et les végétaux agricoles etc. et les conditions d’utilisation doivent comprendre, s’il y a lieu, des mesures d’atténuation des risques. A ce stade, le glyphosate peut être utilisé dans l’UE jusqu’au 15 décembre 2022.

Enfin, en avril 2021, le commissaire à l’Agriculture Janusz Wojciechowski a annoncé que la Commission proposerait bientôt une liste d’actions destinées à répondre à l’ICE « End the cage age », signée par 1,4 millions d’Européens qui réclament l’interdiction de l’élevage des animaux en cage au nom du bien-être animal.

Par ailleurs, la Commission a aussi enregistré deux nouvelles initiatives ayant atteint le million de signatures : l’ICE « Programme d’échange européen de fonctionnaire », qui invite la Commission à lancer un programme d’échange et de formation entre les fonctionnaires des États membres, et l’ICE « Végétalisation des toitures », qui a pour ambition de faciliter la création de jardins verts sur les toits des entreprises.

L’ICE est devenue un réel instrument de démocratie citoyenne à l’échelle de l’UE

De nouvelles initiatives citoyennes européennes sont régulièrement enregistrées par la Commission et déclarées recevables : fin mars 2021, 14 étaient ainsi en cours. La dernière, intitulée « Reclaim your face », a par exemple été déposée le 7 janvier 2021 et ambitionne d’aboutir à l’interdiction des pratiques de surveillance biométrique de masse. On peut également citer une initiative visant à créer un droit aux vaccins ou une autre visant à promouvoir une agriculture respectueuse des abeilles. Ne reste plus aux citoyens qu’à se saisir de ces sujets !

Plus d’informations

Accueil | Initiative citoyenne européenne (europa.eu)

Guide de l’initiative citoyenne européenne

Règlement européen relatif aux ICE

Détails

Date de publication
27 avril 2021
Auteur
Représentation en France