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Représentation en France
Article d’actualité20 mars 2019Représentation en France

Une invasion migratoire en Europe ? Vraiment ?

Les images chocs des débarquements de migrants couplées aux déclarations de certaines personnalités politiques laissent à penser que l’Europe subirait un déferlement de migrants. Il n’en est rien. Si l’Europe a, en effet, connu un afflux de migrants important en 2015, avec plus d’un million d’arrivées, la situation est aujourd’hui stabilisée.

En accord avec ses valeurs, l’Union européenne a offert une protection à des milliers de personnes venues chercher refuge contre les guerres et les persécutions. Elle a sauvé des vies et démantelé des réseaux de passeurs. Le nombre d’arrivées en Europe est à son niveau le plus bas depuis cinq ans (150 000 en 2018). Des efforts supplémentaires sont néanmoins encore nécessaires pour assurer la pérennité de la politique migratoire de l’UE.

Operations Triton and Poseidon 2015 by Frontex in the Mediterranean

Un facteur géopolitique à l’origine de flux migratoires exceptionnels

Protéger et respecter le droit d’asile fait partie de l’ADN de l’Union européenne. La protection de ceux qui fuient la guerre et les persécutions est en effet une valeur fondamentale de l’UE. Le droit d’asile découle aussi des engagements internationaux de la France, en particulier de la Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951, et du droit de l’Union.

En Europe, des mécanismes ont été mis en place à travers la Convention de Dublin pour déterminer l’État responsable pour examiner les demandes d’asile. Celle-ci désigne pour ce faire le pays de premier accueil. Si ce mécanisme fonctionne bien en temps normal, il est mal adapté en situation de crise, car il fait peser une charge excessive sur les pays qui sont géographiquement situés en première ligne. C’est la raison pour laquelle la Commission européenne a proposé la réforme du mécanisme de Dublin (ci-dessous).

L’asile est une prérogative nationale, mais il faut faire en sorte qu’un demandeur d’asile soit traité de manière équivalente quel que soit le pays qui examine sa demande. C’est la raison pour laquelle, depuis les années 2000, un processus de rapprochement des droits nationaux concernant les critères d’éligibilité, les procédures et les conditions d’accueil est en cours afin qu’ils soient comparables d’un État membre à l’autre (ci-dessous).

Quelle réponse européenne aux arrivées massives de 2015 et 2016 ?

Confrontée à des arrivées massives, l’Europe a réagi dans plusieurs directions:

– sauver des vies : une des premières priorités a été d’éviter des noyades en Méditerranée. Ainsi, les opérations européennes en Méditerranée et en mer Égée ont aidé à secourir 730 000 personnes depuis 2015, même si encore trop de naufrages sont à déplorer.

– stopper les arrivées : afin d’éviter les nombreuses noyades en mer Égée et des arrivées sur les îles grecques, l’UE a conclu, en mars 2016, un accord avec la Turquie visant en particulier à lutter contre les passeurs et à stopper le flux des arrivées. En vertu de cet accord, l’Union aide la Turquie dans l’accueil des migrants sur son territoire. Une somme de 3 milliards d’euros a été contractualisée au bénéfice des populations syriennes réfugiées en Turquie. Une nouvelle tranche d’1,2 milliard d’euro a été engagée. Cet accord a permis une diminution de 90 % des arrivées depuis 2015.

L’Europe travaille aussi pour améliorer la situation des migrants en Libye. Avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, l’UE a contribué à l’ouverture d’un centre de transit et de départ à la fin de l’année 2018. À ce jour, 42 000 migrants sont retournés chez eux en toute sécurité. Parmi les plus vulnérables, 2800 personnes ont bénéficié d’une réinstallation en Europe.

– organiser la solidarité avec les pays de première arrivée : en 2015, un plan de relocalisation de demandeurs d’asile dans les États membres a été adopté afin d’affirmer la solidarité de l’Union avec les pays en première ligne.

Ce programme a permis de relocaliser près de 34 000 personnes – soit plus de 96 % de l’ensemble des candidats admissibles enregistrés. 1 La quasi-totalité des États membres ont accepté ces relocalisations, mais certains États membres, comme la République tchèque, la Hongrie et la Pologne, les ont contestées. En septembre 2017, la Cour de Justice a reconnu le bien fondé des dispositions qui avaient été adoptées au niveau européen.

En outre, l’Union européenne a appuyé la création de centres d’accueil ou «hotspots», en Grèce et en Italie, pour enregistrer et identifier les migrants à leur arrivée. Au nombre de 9 (5 en Grèce et 4 en Italie), ces centres gérés par les autorités des pays hôtes peuvent accueillir jusqu’à 7000 migrants. Quelque 500 agents de Frontex aident à l’identification et à l’enregistrement des personnes au sein de ces centres d’accueil.

– accueillir les plus vulnérables : afin d’ouvrir des voies d’accès légales aux réfugiés les plus fragiles, l’Europe a décidé d’organiser la réinstallation de 50 000 personnes d’ici à la fin du mois d’octobre 2019 (avec le déblocage d’un budget de plus de 500 millions d’euros). Contrairement à la relocalisation, qui organise le transfert de demandeurs d’asile d’un État membre à l’autre, la réinstallation vise à identifier dans les pays d’origine ou dans les pays limitrophes (Turquie, Liban, Niger…) des personnes susceptibles de bénéficier de l’asile dans l’Union européenne. Ce programme s’adresse en particulier aux personnes les plus vulnérables. 38 000 personnes ayant un besoin de protection spécifique ont ainsi déjà été réinstallées dans l’UE entre 2015 et 2017.

– Lutter contre les passeurs : l’Union européenne s’est mobilisée pour mettre fin aux trafics d’êtres humains puisque 151 criminels présumés ont été arrêtés et 551 bateaux saisis dans le cadre des opérations en mer de l’Union.

Des frontières renforcées

Confrontée à la crise migratoire, l’Europe a renforcé la protection de ses frontières extérieures en créant, en octobre 2016, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, sur la base de Frontex (créée en 2004). Cette agence, dont les moyens ont été considérablement augmentés, vient en appui des États membres dans la responsabilité qui leur incombe de surveiller les frontières extérieures. L’agence déploie en permanence plus de 900 agents et peut, si nécessaire, mobiliser sous 8 jours 1300 agents supplémentaires. Un corps permanent de 10 000 agents devrait en outre progressivement se mettre en place d’ici 2027. Voir notre fiche « L’Europe est une passoire ! Vraiment ? »

Une politique de retour plus efficace

Les migrants en situation irrégulière doivent être reconduits dans leurs pays dans la dignité, comme le garantit la directive sur les retours.

Les décisions de reconduites à la frontière extérieure appartiennent aux États membres, mais l’Union peut fournir son appui. De manière générale, les retours volontaires sont privilégiés. Mais dans certains cas, il est aussi nécessaire de procéder à des retours forcés.

L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes assiste les États membres dans cette mission en coordonnant des opérations de rapatriement vers leurs pays d’origine de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile déboutés ou de personnes dont le titre de séjour a expiré. Les efforts déployés par l’agence dans ce domaine ont permis presque 14 200 retours en 2017 et plus de 13 700 en 2018. En parallèle, l’Union travaille de concert avec plusieurs pays extérieurs à l’UE afin que ceux-ci acceptent de réadmettre sur leur sol leurs ressortissants en situation irrégulière en Europe. 23 accords et arrangements ont été ainsi conclus jusqu’à présent.

Un agenda européen global pour les migrations à moyen et long terme

L’Europe dispose déjà d’un Régime d’asile européen commun (RAEC) qui fixe des règles minimales communes, mais la Commission européenne a proposé de le renforcer dès 2015 alors que la crise montrait les limites du système actuel.

La Commission a ainsi proposé un système plus équitable de répartition des demandeurs d’asile entre les États membres au travers, par exemple, d’un «mécanisme d’équité correcteur» en cas de flux migratoire massif, tout en conservant le système de demande d’asile dans le pays de première entrée du demandeur (règlement de Dublin III). 2

La Commission souhaite aussi une harmonisation plus poussée des procédures d’asile. En effet, dans la pratique, les demandes d’asile ne sont pas traitées de manière uniforme et les taux de reconnaissance peuvent varier de manière significative d’un État membre à l’autre pour une même nationalité. Ces deux propositions sont encore en discussion.

Cinq autres propositions ont déjà fait l’objet d’un accord ou sont à un stade avancé des négociations (l’amélioration de la base de données européenne des empreintes digitales des demandeurs d’asile EURODAC, le renforcement du Bureau européen d’appui en matière d’asile EASO, la directive relative aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile ainsi que l’établissement de règles uniformes pour les demandes d’asile 3 et enfin l’établissement d’un cadre permanent de l’UE pour la réinstallation qui remplacerait les programme ad hoc).

S’il revient aux États membres de fixer le volume de main-d’œuvre étrangère entrant sur leur territoire, la Commission a également proposé parallèlement de développer les voies de migration légale vers l’Europe. Outre la réinstallation évoquée plus haut, une réforme de la directive relative à la carte bleue européenne (adoptée en 2009), qui concerne les personnes qualifiées, est en cours avec l’objectif de fixer des critères d’admission moins stricts (un seuil salarial plus bas, un contrat de travail d’une durée minimale moins longue, de meilleures dispositions en matière de regroupement familial). Il existe parallèlement d’autres voies d’entrée légale en Europe. 4

Développer des voies de migrations légales permet de réduire les incitations à la migration irrégulière. La Commission souhaite aussi renforcer le partenariat avec les pays tiers et favoriser le développement sur place (l’UE a par exemple mis en place un plan d’investissement extérieur pour l’Afrique et un fonds fiduciaire d’urgence pour le continent).

Enfin, la question de l’intégration des personnes ayant droit au séjour est essentielle: plus de 140 millions d’euros ont été investis dans des mesures d’intégration au titre du budget de l’UE pour la période 2015-2017. Les États membres et les régions peuvent à cet égard mobiliser différents financements européens en particulier les fonds structurels et d’investissement européens et le Fonds européen d’aide aux plus démunis. Plus spécifiquement, l’Union européenne soutient la politique migratoire des États membres par le Fonds «Asile, migration et intégration» (plus d’un milliard d’euros de financement européen au total dans le cadre financier 2014-2020).

Plus d’informations…

Le mécanisme de relocalisation s’est appliqué aux ressortissants des pays pour lesquels le taux moyen de reconnaissance de l’asile est, dans toute l’UE, égal ou supérieur à 75 %, ce qui a concerné principalement les Syriens, les Érythréens et les Irakiens. Le choix de ce seuil de 75 % permet de faire en sorte que toutes les personnes ayant besoin d’une protection puissent jouir de ce droit, mais aussi d’éviter la relocalisation des demandeurs qui ne pourraient pas remplir les conditions requises. Une clé de répartition par État membre a été mise en place. Elle est fondée sur la taille de la population, le PIB, le nombre moyen de demandes d’asile au cours des quatre dernières années et le taux de chômage. Pour en savoir plus, consulter la page suivante : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5596_fr.htm

2 Le système de Dublin a été établi en 1990 et a été ensuite actualisé en 2003 et 2013. Le principe de Dublin est que le pays de première entrée examine la demande d’asile. En pratique, cela signifie qu’un petit nombre d’États membres sont responsables du traitement de la majorité des demandes d’asile.

3 Le texte prévoit notamment d’établir des critères communs pour l’identification des personnes qui ont véritablement besoin d’une protection internationale.

4 La directive sur le permis unique (2011) a établi une procédure commune simplifiée pour les ressortissants de pays tiers qui demandent à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre.  La directive relative aux travailleurs saisonniers (2014) a défini les conditions dans lesquelles des ressortissants de pays tiers peuvent entrer ou séjourner dans l’UE en tant que travailleurs saisonniers. Une autre directive de 2014 permet aux citoyens de pays tiers de demander à être admis dans l’UE en qualité de cadres, d’experts ou d’employés stagiaires dans le cadre d’une entreprise. Le regroupement familial offre également la possibilité aux personnes qui résident légalement de l’UE d’être rejointes par les membres de leur famille. Enfin, en 2016, une directive a fixé les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d’études, de formation, de volontariat et de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

Détails

Date de publication
20 mars 2019
Auteur
Représentation en France