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Représentation en France
Article d’actualité21 février 2024Représentation en France8 min de lecture

Normes européennes en matière d’agriculture : distinguer le vrai du faux !

En février 2024, des agriculteurs se sont mobilisés en France et en Europe pour dénoncer les hausses des coûts de production et les revenus incertains, les normes parfois jugées trop lourdes et les conséquences de la guerre en Ukraine sur le secteur agricole. Pourtant, quelques narratifs trompeurs se sont fait une place dans le débat. Les Décodeurs de l’Europe vous aident à distinguer le vrai du faux.

Non, la Commission européenne n’impose pas “ses règles” sans consulter les États membres ! 

En matière agricole, comme dans tous les autres domaines de compétence de l’Union européenne, la Commission européenne ne décide jamais toute seule ! La Commission a uniquement le pouvoir de faire des propositions législatives. Proposer ne signifie pas adopter. En effet, la grande majorité des lois européennes est adoptée conjointement par le Parlement européen (composé des députés européens directement élus par les citoyens) et le Conseil de l’Union européenne (composé des ministres des Vingt-Sept). Les lois européennes résultent donc d'un compromis politique entre ces deux institutions. 

Il est également important de préciser que toute proposition législative fait l'objet d'une consultation publique préalable. Il est donc faux d’affirmer que les États membres et les agriculteurs européens se voient “imposer” des règles par la Commission européenne. (voir Non, la Commission n’impose pas ses décisions aux États et citoyens européens !) 

Pourquoi parle-t-on de nouvelle PAC ? 

L’agriculture représente la première dépense de l’UE, avec près de 390 milliards d’euros sur la période 2021-2027, soit près d’un tiers du budget européen. Les agriculteurs français en sont les principaux bénéficiaires avec plus de 9 milliards d’euros par an, soit environ 22% du total de leur revenu agricole. 

Créée en 1962, la politique agricole commune (PAC) a considérablement évolué afin de prendre en compte les changements climatiques et environnementaux, tout en continuant de garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires de l’Europe. La nouvelle PAC est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Cette dernière réforme, adoptée par le Parlement européen et le Conseil, visait à moderniser et à simplifier la PAC. L’accent est mis davantage sur la subsidiarité (avec des Plans stratégiques nationaux adoptés par chaque État) et une plus grande marge de manœuvre donnée aux États membres dans la mise en œuvre de la PAC, avec des objectifs adaptés aux territoires. 

Cette nouvelle PAC est entrée en vigueur avec deux ans de retard car la proposition initiale de la Commission a été très largement amendée, pour arriver à un compromis acceptable à la fois par une majorité d'États membres et par une majorité d'eurodéputés. 

“Inflation normative” ou “folie normative” : non, la transition écologique ne se fera pas contre les agriculteurs ! 

La Commission propose, le Parlement européen et les États membres disposent. Ainsi, plusieurs textes législatifs proposés dans le cadre du Pacte vert n’ont pas été adoptés et ne le seront pas sous cette mandature : ceux concernant l’utilisation durable des pesticides, le cadre pour les systèmes alimentaires durables et la révision des textes sur le bien-être animal.

La Commission européenne est consciente des défis croissants auxquels font face les agriculteurs et, comme promis dans le discours sur l’état de l’Union de septembre 2023 (Discours sur l'état de l'Union européenne : mode d'emploi), la présidente von der Leyen a lancé un dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture. Le dialogue réunit des agriculteurs, des représentants de magasins d’alimentation, des organisations de consommateurs, des groupes de défense de l’environnement, afin de mieux comprendre les préoccupations des agriculteurs et pour définir une vision commune de l’avenir du système agricole et alimentaire en Europe. 

Non, la Commission européenne ne prône pas la décroissance ! 

À travers sa stratégie européenne pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement (baptisée “Farm to Fork” ou “De la ferme à la table”), la Commission s'est engagée à réussir cette transition vers des systèmes alimentaires plus durables pour réduire l’impact négatif sur le changement climatique et la perte de biodiversité, qui sont des menaces directes sur la pérennité de notre agriculture.

La stratégie présentée par la Commission cherche à répondre à cet impératif de restauration de la biodiversité tout en veillant à ce que les agriculteurs et les consommateurs puissent en bénéficier et à ce que notre sécurité alimentaire à long terme soit préservée. Cette stratégie ne prône pas la décroissance en Europe. Au contraire, la technologie et l'innovation auront tout leur rôle à jouer dans l'amélioration de la productivité et une meilleure utilisation des ressources naturelles. De même, nous nous efforçons de réduire le gaspillage alimentaire à tous les niveaux. Actuellement, environ 20 % de la nourriture est gaspillée en Europe. Il est donc possible de nourrir notre population en utilisant les terres agricoles actuelles, tout en produisant selon de meilleures pratiques agricoles. 

Les différentes études d’impact qui estiment que la production agricole diminuera avec l’adoption des mesures législatives prévues dans cette stratégie ne prennent pas en compte les innovations technologiques, ni l’évolution de la consommation, ni la lutte contre le gaspillage alimentaire. Enfin, les études ne prennent pas en compte les pertes pour la production agricole résultant des événements climatiques extrêmes et de la perte de biodiversité, alors qu'il est clair que le coût de l'inaction est plus élevé.  

Faut-il arrêter les accords de libre-échange pour protéger nos agriculteurs ? 

La balance commerciale de la France a toujours été positive, contrairement à ce qu’on a pu entendre. En clair, la France exporte plus de produits agroalimentaires qu’elle n’en importe d’autres pays. En 2022, l’excèdent agroalimentaire de la France était de 10,3 milliards d’euros, même si des disparités existent entre les différents secteurs de l’agriculture. 

Comme certains secteurs peuvent être plus sensibles, la Commission peut calibrer l’ouverture du marché et ainsi inclure des quotas dans les négociations des accords de libre échange pour limiter les importations de certains produits. Tous les accords commerciaux conclus contiennent des contingents, c'est-à-dire un volume limité de produits agricoles qui peuvent être importés avec des droits de douane réduits voire nuls. Ainsi, pour l'accord avec le Mercosur, le contingent de viande bovine en discussion s'élève à 90 000 tonnes par an, soit l'équivalent d'un steak de 200g par Européen

Des produits importés qui ne respectent pas les normes sanitaires ? Pourquoi l’UE ne prévoit pas systématiquement des clauses miroirs ? 

En ce qui concerne la qualité des produits, l'UE dispose de règles sanitaires et phytosanitaires solides pour garantir que toutes les denrées alimentaires mises sur le marché de l'UE satisfont à l'exigence d'un niveau élevé de protection de la santé humaine et pour empêcher la propagation de parasites ou de maladies parmi les plantes et les animaux. Toutes les importations agroalimentaires doivent être conformes aux mêmes exigences sanitaires et phytosanitaires de l'UE. Concrètement, tous les produits importés de pays tiers sont bien soumis aux mêmes normes de qualité que les produits issus de l’agriculture européenne et l’UE ne fait aucun compromis sur les standards sanitaires dans les accords de libre-échange. 

D’autre part, quand on entend que des clauses miroirs ne sont pas prévues dans les accords internationaux, il s’agit ici des méthodes de production. En effet, les exigences relatives à la manière dont les produits sont fabriqués ne sont généralement pas imposées aux produits importés. De fait, la règlementation européenne a déjà un impact sur les méthodes de production dans les pays tiers. C’est notamment le cas du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui évite de lutter contre les “fuites de carbone” et permet de promouvoir des processus de production plus propres (voir : Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : mode d’emploi) 

Une concurrence déloyale des importations de l’Ukraine ? 

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’UE a levé temporairement les droits de douane sur les importations en provenance d’Ukraine, en juin 2022. Face à l’inflation et à la hausse des coûts de production, les agriculteurs français s’inquiètent de l’arrivée du poulet ukrainien sur le marché. En effet, la France est le quatrième importateur de poulet en Europe. Cependant, la part du poulet ukrainien importé en France est très limitée : 400 tonnes de volaille ukrainienne ont été importées en France dans les 11 premiers mois de 2023, alors que les importations totales de volaille en France, en provenance des pays tiers, ont atteint 47 000 tonnes en 2023. Dans un contexte d’augmentation de la consommation française de volaille (28,8 kilos annuels par habitant), ces importations sont venues pallier la baisse de production française due à la grippe aviaire ces deux dernières années. 

Afin de protéger les agriculteurs européens, la Commission européenne a proposé un “frein d’urgence” pour les produits “sensibles”, tels que la volaille, les œufs et le sucre, pour limiter le volume des importations en provenance d’Ukraine aux niveaux moyens observés en 2022 et 2023, niveaux au-delà desquels des droits de douane seraient réimposés. 

Détails

Date de publication
21 février 2024
Auteur
Représentation en France